AnthroPOA : un traité sur le Proche-Orient ancien à la lumière des outils anthropologiques
Le groupe de recherche international AnthroPOA a pour objectif de proposer, à la lumière des outils de l’anthropologie, une analyse nouvelle et dynamique des données archéologiques, iconographiques et textuelles issues des sites du Proche-Orient ancien (Egypte, Levant, Méditerranée) du 3e millénaire avant la nouvelle ère au début de l’ère chrétienne.
AnthroPOA est un projet éditorial international initié en 2018 par Madalina Vartejanu-Joubert (Département d’études hébraïques et juives de l’Inalco), avec un comité de pilotage composé des spécialistes du Levant Anna Angelini (Université de Zürich) et Giuseppe Garbati (CNR Rome), de l’égyptologue Sylvie Donnat (Université de Strasbourg) et des assyriologues Lionel Marti (CNRS-Collège de France) et Anne-Caroline Rendu-Loisel (Université de Strasbourg).
AnthroPOA travaille activement à la rédaction du Traité d’anthropologie du Proche-Orient ancien. La table des matières du premier volume est finalisée. Celui-ci aborde la période historique comprise entre les « siècles obscurs » et la conquête perse de Babylone (env. 1200-539 av. n.è.).
Sa sortie est prévue en 2023.
Le projet comporte actuellement trois grands axes, constitué chacun de plusieurs sous-thèmes :
Continuité et contiguïté culturelle
Cette première thématique vise à explorer l’identité culturelle non pas par le prisme de la discontinuité mais par celui de la fluidité, de la mobilité et des mécanismes d’interaction aboutissant à une succession d’états intermédiaires observables sur le plan de la langue, des religions et de la culture matérielle. Le Levant, espace interprété non pas comme la juxtaposition d’entités cristallisées mais un continuum, constitue un laboratoire pour mettre à l’épreuve ces hypothèses de travail permettant de dessiner autrement les frontières des espaces-monde.
Ce sera à travers ce dispositif théorique que nous nous attacherons à redéfinir l’objet « Proche-Orient ancien ». En partant d’un territoire défini prima facie qui va de l’Anatolie à l’Egypte et du Levant à la Perse, nous explorerons ses confins : l’Asie Centrale et le Caucase, la Lybie et le Soudan, les Balkans. La recherche dans le cadre de cette thématique prendra appui sur l’étude des panthéons et des êtres divins marginaux ou périphériques, sur l’étude de l’écriture et de l’image comme éléments structurant la communication à l’intérieur de ces sociétés ou avec la surnature, sur l’étude de la production matérielle en élaborant ce qu’on peut appeler des biographies d’objets.
Nature-natures
La deuxième thématique s’inscrit dans le tournant « naturel » de l’anthropologie et prend appui théorique sur Philippe Descola et son Par-delà nature et culture. L’auteur y établit une typologie des usages du monde qu’il envisage comme instruments heuristiques : animisme, totémisme, naturalisme et analogisme. Il nous appartiendra de poursuivre la réflexion, de tester ces dispositifs pour l’Antiquité proche-orientale et de trouver ses applications nouvelles.
Toujours dans la perspective de découvrir de nouveaux objets de l’anthropologie, nous nous pencherons sur le rapport à l’environnement, aux non-humains, aux paysages, démarche qui abordera de concert les sources archéologiques et les sources textuelles.
L’anthropologie du corps prendra également place à l’intérieur de cette thématique mais dans une perspective novatrice qui étudie surtout la sensorialité, sa matérialité et sa portée en termes de sociabilité.
Enfin, les structures de la parenté recevront une attention particulière dans la mesure où, même si elles constituent un sujet classique de l’anthropologie sociale et culturelle, elles n’ont pas fait l’objet d’une étude systématique en ce qui concerne le Proche-Orient ancien, pourtant creuset des monothéismes dont nous connaissons la postérité.
Genèse du politique
La troisième grande thématique s’intéresse aux processus de la naissance du politique, le Proche-Orient étant le territoire privilégié de telles interrogations : ville, cité-Etat, royauté, empire. Sujet éminemment complexe, il nécessite la mobilisation des dernières découvertes archéologiques, des modélisations des données quantitatives et des concepts en matière de théorie politique. Comment définir une ville et comment la distinguer du village ? Comment expliquer l’apparition de l’état territorial et quelle est le dispositif idéologique qui le sous-tend ? Enfin, quels mécanismes sont à l’œuvre dans l’instauration des régimes impériaux ? Quel rôle assume l’appareil administratif et les moyens de communication ? Comment est géré le conflit entre les identités locales et l’aspiration à la création d’une loyauté ou une identité impériale ?