Un rouleau illustré inédit du Dit du Genji retrouvé dans une collection française

Le prince Genji en deuil, le visage recouvert de sa manche, devant sa fiancée Yugao qui vient d'être tuée.
Estelle Leggeri-Bauer est professeure de langue japonaise et spécialiste de l'histoire de l'art du Japon classique à l'Inalco.

Son expertise des peintures narratives japonaises lui a récemment permis d'authentifier un rouleau illustré rare et inédit du Dit du Genji retrouvé dans une collection française privée. 

Une passionnée des peintures narratives japonaises et des genji-e (peintures du Genji) 

Estelle Leggeri-Bauer mène, depuis plusieurs années, des recherches approfondies sur l'iconographie (rouleaux, éventails, paravents...) de plusieurs manuscrits japonais à peintures anciens, en particulier sur les peintures du Genji, les genji-e. Chef d'œuvre de la littérature classique japonaise du XIème siècle, Le Dit du Genji (Genji monogatari), relate les aventures amoureuses et politiques du prince Genji à la cour impériale de Heian.

Un long travail de collecte des genji-e au sein des collections impériales japonaises et collections publiques et privées du monde entier (musées, monastères, cabinets d’experts..) a abouti à une réédition du Dit du Genji traduit par René Sieffert, enrichie d’une abondante et remarquable iconographie : Le Dit du Genji de Murasaki Shikibu illustré par la peinture traditionnelle japonaise du XIIe au XVIIe siècle, éditions Diane de selliers, 2007. L’ouvrage présente 520 œuvres du XIIe au XVIIe siècle, choisies pour leur originalité et leur beauté, dont d'anciens fragments du XIIe siècle, classés « Trésors nationaux » au Japon. Assorties de minutieuses descriptions et de commentaires, ces œuvres témoignent de la diversité des ateliers et courants picturaux japonais de cette période. L'ouvrage a reçu, en 2009, une distinction du ministère de la Culture japonais et le Prix du livre d’art « La Nuit du livre ».
 
Un rouleau de l'époque d'Edo (1603-1867)
Cet ouvrage, de renommée internationale, a éveillé l’attention d’un collectionneur privé français et l'a conduit à acquérir à Londres en 2017, un rouleau illustré -emaki- comprenant une peinture du Dit du Genji.

Estelle Leggeri-Bauer a authentifié le rouleau comme provenant de la série Moriyasu Bon Genji Monogatari Emaki peinte au début de la période Edo (1603-1867). Authenticité confirmée par son homologue japonaise, Midori Sano, professeure d'histoire de l'art japonais à l'université de Gakushûin (Tokyo) et grande spécialiste du Genji Monogatari.

Ce fragment, de 35 par 132 cm, décoré de poudre d’or, représente une scène du chapitre Yugao (Belle du Soir) montrant le prince Genji en deuil, le visage recouvert de sa manche, devant Yugao qui vient d'être tuée par l’esprit vengeur d'une ancienne maîtresse. Parmi les nombreux fragments de rouleaux qui ont mis en image le Genji Monogatari, le caractère tragique de cette scène est, selon Midori Sano, rarement aussi sensiblement dépeint que dans la série Moriyasu.

Une exposition au Metropolitan Museum de New York, sur les peintures du Dit du Genji, présenteront plusieurs rouleaux de la même série ce printemps. 

La découverte de la scène du chapitre Yûgao a fait l’objet, en janvier, d’un article par le quotidien japonais Asahi Shimbun avant une parution dans la revue scientifique d'art japonais Kokka« Moriyasu-bon Genji monogatari emaki saikô » [Un réexamen du Rouleau du Dit du Genji, dit Rouleau Moriyasu]*. L'article a suscité une si vive émotion au Japon parmi les spécialistes et amateurs d'art que la chaîne de Télévision Asahi est venu interviewer Estelle Bauer, le 16 janvier à l’Inalco.


*« Moriyasu-bon Genji monogatari emaki saikô » [Un réexamen du Rouleau du Dit du Genji, dit Rouleau Moriyasu], no spécial « Le Rouleau Moriyasu, présentation de fragments nouvellement découverts », Kokka no 1479, janvier 2019.
 
Le prince Genji en deuil, le visage recouvert de sa manche, devant sa fiancée Yugao qui vient d'être tuée.




 

Langue(s)

Région(s) du monde

Asie et Pacifique