Documenter et décrire les langues et littératures minoritaires et en danger à l’ère numérique : épistémologies, pratiques et défis

Dates :
Jeudi 19 janvier 2023 - 08:30 - Vendredi 20 janvier 2023 - 18:00
Lieu :
Inalco - Auditorium, 65 rue de Grands moulins 75013 Paris (19/01/2023) ; Auditorium Dumézil, 2 rue de Lille 75007 Paris (20/01/2023) - et en hybride par Zoom
Colloque international

Documenter et décrire les langues et littératures minoritaires et en danger à l’ère numérique : épistémologies, pratiques et défis

ARGUMENTAIRE

Dans la conception traditionnelle de la documentation et la description des langues et littératures, en tant que discipline dont l’objectif ultime est la conservation des langues et littératures du monde, la production de grammaires, de dictionnaires, et de textes divers tels que des narrations ou des épopées, est considérée comme une fin en soi (Woodbury, 2003:35). Pour les typologues, une utilité majeure de la documentation linguistique est la représentation adéquate des « types » de langues. A ce titre, les travaux fondamentaux de Greenberg (1963) se sont concentrés sur l'identification des limites de la variation interlinguistique en classant les langues en fonction des types de construction, et reléguant au second plan les variations intralinguistiques. Une telle entreprise est nécessairement tributaire de la nature des données ainsi que des méthodes de collecte, lesquelles données, en l’occurrence, consistent majoritairement en des énoncés non naturels, sans contexte défini. Cependant, une réorientation de l’objet principal de la documentation linguistique est en train d’être observée : une représentation des langues fondée sur leur usage en contexte naturel. Ce nouvel objectif dans lequel la production de grammaires et de dictionnaires s’inscrit non plus comme une finalité mais comme un élément constitutif de l’apparatus, c’est-à-dire de la procédure dans son intégralité, influe lui aussi sur ce dernier et sur ses utilisations. Par exemple, l’aspect social du langage, notamment le phénomène de cognition sociale, c’est-à-dire l’ensemble des processus cognitifs impliqués dans les interactions sociales, est intéressant à comparer d’une culture à une autre (Schnell et al., 2021:15).
Mais, la question du corpus n’en demeure pas moins réelle, particulièrement à l’ère où le numérique devient omniprésent, incontournable, et où, frappées par une pandémie (Covid-19), plusieurs régions du monde sont inaccessibles, rendant les recherches de terrain dans ces zones impossibles. Pour Woodbury (2003:43-17), un bon corpus est premièrement diversifié, représentant une diversité de situations, de participants, de registres, de genres littéraires, etc. Il est deuxièmement large ; de plus, il se développe continuellement. Il est transparent, conservable, portable et éthique. Comment remplir l’ensemble de ces critères pour les langues qui ne comptent plus qu’une centaine de locuteurs, de surcroît dispersés à travers le monde en raison de crises sociales, politiques ou sanitaires, et dans un contexte où la pression exercée par la mondialisation sur le monde entier conduit à l’abandon fulgurant des langues et cultures autochtones au profit de langues dominantes ? Sur le plan didactique, comment joindre la pratique de terrain à la théorie toujours dans ces mêmes contextes ? Quid des métadonnées, jadis considérées comme marginales, mais dont la prise en compte en tant que constituant à part entière du corpus apporterait des éclairages originaux ? Et, faut-il se fier davantage aux corpus écrits ou bien oraux/signés ?
On peut en outre s’interroger sur la documentation de la variation dans le contexte des langues minoritaires et en danger. Par exemple, comment conjuguer la description grammaticale et l’analyse de la variation ? Ou encore, quelles approches et méthodes seraient les plus adaptées à la documentation de la variation dans de telles communautés linguistiques ? Par ailleurs, dans quelle mesure l’interdisciplinarité, notamment l’intégration de procédés relevant du traitement automatique des langues (NLP) ou de la sociolinguistique, peut-elle bénéficier aux chercheurs travaillant sur des langues minoritaires et en danger et plus largement à la théorie linguistique et au phénomène du changement linguistique (Meyerhoff 2019) ?

Une autre question tout aussi importante est celle de la place des autochtones dans le processus de documentation et de description. Cruz (2020:43) souligne à cet égard qu’en tant que discipline, la documentation et la description linguistiques ont été créées par et pour les membres d’institutions académiques pour qui le travail collaboratif avec les autochtones relevait presque du surréalisme. Or, il est des avantages uniques liés à la collecte de données effectuée par ceux-ci, comme la confiance de la communauté faisant l’objet des recherches, qu’un chercheur allogène doit en revanche prendre le temps de construire, chose qui ne se fait du jour au lendemain. L’intégration des autochtones non seulement dans la collecte mais aussi dans les analyses, les réflexions académiques fait indéniablement défaut. Comment y remédier ?
Enfin, une difficulté d’un autre ordre, rarement évoqué, concerne les femmes chercheuses. Cruz (2020:49) précise à ce propos que dans certaines cultures, les femmes entreprenant un travail de terrain sont frappées d’anathème parce que leur place est supposément ailleurs que dans la recherche.
 
Ce colloque se veut être une occasion de réfléchir à ces questions, non exhaustives, mais aussi de partager des témoignages de chercheurs et chercheuses, notamment en linguistique, didactique, littérature et anthropologie. Le colloque se tiendra en mode hybride.

Organisé par Liliane Hodieb, INALCO-PLIDAM

Comité scientifique :
James Essegbey, University of Florida
Amina Mettouchi, EPHE, LLACAN
Peter Stockinger, INALCO, PLIDAM
Thomas Szende, INALCO, PLIDAM

Comité d’organisation :
Liliane Hodieb, INALCO, PLIDAM
Emmanuella Martinod, CNRS

Manifestation scientifique subventionnée par le CS de l’INALCO
 
Documenter et décrire les langues et littératures minoritaires et en danger à l’ère numérique : épistémologies, pratiques et défis


PROGRAMME
 
Jeudi 19 janvier 2023

Lieu : Auditorium du PLC : 65 rue des grands moulins 75013 Paris (et Zoom)

Les participants à distance (Zoom) sont priés de s'inscrire sur le formulaire qui se trouve en bas de la page.
Les inscriptions sont closes actuellement.

 
8h30-9h : Accueil
 
9h-9h25 : Ouverture
Liliane Hodieb, responsable scientifique du colloque
Peter Stockinger, vice-président du conseil scientifique de l’INALCO
Philippe Advani, président de la Fondation des Langues et Civilisations Orientales
 
Session 1
Présidente de séance : Madalina Vartejanu-Joubert, INALCO, PLIDAM
 
9h30-10h30 : Amina Mettouchi, EPHE, LLACAN
Auto-Documentation: speakers at the centre and in control of their documentation
 
10h30-10h55 : Moises Velasquez, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, LACITO-CNRS
2021-2022: A fieldwork odyssey. Pros and cons of remote and on-site fieldwork for documenting and describing a severely endangered isolate language of Papua New Guinea: Kibiri
 
10h55-11h05 : Pause café
 
11h05-11h30 : Julie Marsault, INALCO
Documenter une langue autochtone d’Amérique du Nord : comment, pour quoi, pour qui ?
 
11h30-12h30 : Thera Crane, University of Helsinki
The wh-questions of graduate-student-led language documentation
 
12h30-14h : Pause déjeuner
 
Session 2
Président de séance : Shahzaman Haque, INALCO, PLIDAM
 
14h-15h : Mark van de Velde, CNRS-LLACAN (co-auteurs : Dmitry Idiatov et Jakob Lesage)
Documenting the minority languages of Northern Nigeria
 
15h-15h10 : Pause café
 
15h10-15h35 : Brigitte Pakendorf, CNRS-DDL
Documenting a nearly-extinct language with heritage materials: the case of Negidal (Northern Tungusic)
 
15h35-16h00 : Emmanuella Martinod, CNRS
Recueil et analyse de données de langues des signes micro-communautaires au Brésil et au Mexique : retour d’expérience
 
16h00-16h10 : Pause café
 
Session 3

16h10-17h10 : James Essegbey, University of Florida
Methodological challenges of documenting an endangered language
 
17h10-17h35: Liliane Hodieb, INALCO, PLIDAM
How crucial is analyzing variation while doing language description?
 
17h35-17h45 : Pause café
 
Session 4
 
17h50-19h30 : Table ronde modérée par Liliane Hodieb
 
19h30 : Cocktail
 
 
Vendredi 20 janvier 2023

Lieu : Auditorium Dumézil (Maison de la Recherche) : 2 rue de Lille 75007 Paris (et Zoom)
 
Session 1
Présidente de séance : Ildiko Lorinszky, INALCO, PLIDAM
 
13h30-13h55 : Eszter Tarsoly, University College London
Community participation in data collection and analysis: documenting language variation and change in “vulnerable” communities
 
13h55-14h55 : Claude Hagège, Collège de France
 
14h55-15h05 : Pause café
 
15h05-16h05 : Frosa Bouchereau, INALCO, PLIDAM
Les différentes méthodes de recueil et de constitution de corpus de l'oralité et leurs usages dans la description, la documentation et les études des langues et littératures en danger
 
Session 2
 
16h15-17h : Entretien avec Ruth Finnegan, Open University, modéré par George Alao, INALCO, PLIDAM
 
17h-17h45 : Clôture par Nicholas Ostler, président de la Foundation for Endangered Languages
 
17h45-18h : Remerciements
 
18h : Buffet
 
Equipe de recherche :

Type : 

  • Colloques et journées d'étude