Enseignement-apprentissage de la grammaire en L2 : approches, outils et perspectives

Dates :
Vendredi 22 novembre 2019 - 09:00 - 18:30
Lieu :
Inalco, 65 rue des Grands moulins 75013 Paris - Salle 3.15
Journée d'études doctorale

Enseignement-apprentissage de la grammaire en L2 : approches, outils et perspectives

Organisée par Liliane Hodieb

Invité d’honneur :
Claude Hagège, professeur au Collège de France
 
vieille bibliothèque occupant tout un mur


Argumentaire
 
Définie traditionnellement comme l’ensemble des règles autour desquelles s’organise la langue, la grammaire est l’élément qui permet à un locuteur non natif de produire de nouveaux énoncés, ceux qu’un locuteur natif produirait naturellement et sans avoir conscience des règles qui sous-tendent son discours.
 
Grammaire et culture
 
Toute langue est porteuse de la culture du peuple qui la parle. En effet que ce soit au niveau lexical ou au niveau grammatical, les traditions, idéologies, modes de vie et de pensée d’une communauté linguistique se dégagent, et se distinguent d’une langue-culture à une autre. C’est ainsi qu’une particularité du swahili par exemple, est que les structures syntaxiques sont différentes lorsqu’on parle des émotions et des sensations. De même, certaines constructions peuvent être grammaticalement correctes, mais culturellement inacceptables, parce que inattendues ou indécentes. Il est donc crucial que l’enseignement de la grammaire d’une langue prenne en compte la composante sociale et la dimension pragmatique qui lui sont associées au même titre que l’ensemble des catégories et des structures.
 
Grammaire, conception du monde et diversité linguistique
 
Saussure, dans son Cours de linguistique générale (1916), décrit la langue en tant que système, c’est-à-dire un tout structuré, où chaque élément en relation avec un autre, lui est à la fois différent et solidaire. Ces éléments s’ordonnent d’une manière particulière selon la langue, et chaque arrangement modèle l’univers d’une manière unique. Il devient alors clair que la diversité linguistique ou de systèmes linguistiques révèle une diversité de conceptions ou de structurations du monde. Benveniste (1966) a souligné l’importance de cette relation en les termes suivants : « […] on discerne que les « catégories mentales » et les « lois de la pensée » ne font dans une large mesure que refléter l’organisation et la distribution des catégories linguistiques. Nous pensons un univers que notre langue a d’abord modelé. Les variétés de l’expérience philosophique ou spirituelle sont sous la dépendance inconsciente d’une classification que la langue opère du seul fait qu’elle est langue et qu’elle symbolise » (Benveniste, 1966). D’où la nécessité d’identifier ces « catégories mentales » et de comprendre leur organisation, pour pouvoir saisir ce que Sapir (1921), Schalps (2004), et Aikhenvald (2015) entre autres, appellent le ‘génie’ de la langue. Autrement dit, il s’agit de la notion fondamentale, omniprésente dans chaque langue et qui fait sa particularité. Pour reprendre les mots de Sapir, c’est quelque chose de plus qu’un trait, et dont la nature est difficilement décelable mais qui se révèle à travers une analyse approfondie de la langue en tant que système. Par exemple, certaines langues expriment lexicalement le temps dans ses différents degrés : passé et futur récent, proche, ‘hordienal’, lointain, etc. tandis que d’autres langues mettent plutôt l’accent sur l’aspect par le biais de marqueurs : ceci peut être observé par exemple dans les langues Grassfields du Cameroun.
 
Grammaire et cognition
 
Faut-il enseigner la grammaire ? Et si oui, quels secteurs aborder et comment ? A partir de quelle ressource la grammaire pourrait-elle être enseignée ? Si on considère que la langue est avant tout un ensemble de processus cognitifs, ceci revient à dire que faire acquérir une langue, c’est en maîtriser les processus cognitifs les plus caractéristiques. Une telle approche permet de faire référence à la théorie cognitiviste avancée notamment par Culioli (1990) et Chomsky (2001), et qui stipule que le langage est d’abord une activité mentale. Quelles méthodes employer pour décrire et transmettre ce qui se passe dans le cerveau d’un locuteur natif, d’une part à un locuteur non natif, et d’autre part à un locuteur natif ? Et que faire des langues non didactisées, sans grammaire écrite ?
 
Types de grammaires
 
Pour pouvoir aborder ces questions, il est besoin de préciser au préalable de quel type de grammaire il est question. La philosophie de la grammaire de Jespersen paraît intéressante à noter ici. En effet pour cet auteur, la grammaire d’une langue ne se définit ni ne se construit à partir des écrits. Critiquant la tradition qui voulait que toute grammaire, y compris celle des langues à tradition purement orale, s’appuie sur les modèles de langues à tradition écrite à l’instar des langues indo-européennes, Jespersen (1924 : 7) affirme que la manière la plus appropriée et la plus juste d’analyser une langue est en se fondant dans un premier temps sur une observation directe de la parole vivante, et dans un second temps sur les documents écrits. Car selon lui, l’essence du langage est l’activité humaine.
Cependant, on constate que pour une même langue il peut exister plusieurs grammaires, se distinguant les unes des autres par l’approche, par l’objectif et le public visé. Ainsi nous avons des grammaires historiques ou comparées. Face aux grammaires descriptives, les grammaires prescriptives s’intéressent aux normes qui se sont développées au cours de l’évolution de la langue, et sont particulièrement adaptées aux langues ayant une littérature importante, telles que les langues sémitiques. Les grammaires pédagogiques quant à elles sont destinées à des locuteurs natifs (langue maternelle), soit à des locuteurs non natifs (langue étrangère)(Aikhenvald, 2015 : 7).
 
Grammaire, dictionnaire et lexique
 
Grammaire et lexique étant complémentaires, la question du dictionnaire est inéluctable. En effet, comme la grammaire, la construction du dictionnaire est tributaire de plusieurs éléments, parmi lesquels la structure elle-même de la langue et soulève une série de questions : comment traiter les unités linguistiques ayant quatre, voire cinq statuts morphosyntaxiques différents dans une même langue ? Et comment traiter les formes irrégulières ? A juste titre, Jespersen relève le problème de l’ordre des entrées dans les dictionnaires. Les linguistes lexicographes, plus par un souci de commodité que par un souci de rigueur scientifique ont tous adopté un ordre alphabétique. Or celui-ci, pensé initialement pour les langues latines et qui est leur est par conséquent approprié, ne l’est pas pour autant pour toutes les langues. L’alphabet sanskrit par exemple regroupe les sons formés par le même organe articulatoire. Il convient en outre d’évoquer les différents systèmes d’écriture, notamment les écritures idéographiques et de type abjad tel que l’arabe qui ne notent que des consonnes.

 

Programme
 
8h30 : Accueil
 
9h00 : Ouverture par
Liliane Hodieb, responsable scientifique de la journée
Thomas Szende, directeur de PLIDAM
 
 
Séance 1
Présidente de séance : Sibel Berk
 
9h15-9h35 :
Louise Ouvrard
Grammaire et contrastivité : le malgache (langue cible) au service d’une meilleure maîtrise du français (langue source)
 
9h35-9h55 :
Corinne Weber
Discours grammaticaux et didactique de la production langagière
 
9h55-10h15 :
Huy Linh Dao et Nguyet Tu Do
Grammaire de l’affect : le cas des psycho-collocations en vietnamien contemporain
 
 
10h15-10h35 :
Grégoire Labbé
Enseigner la grammaire des langues qui nous sont proches
 
10h35-10h55 : Discussion
 
10h55-11h15 : Pause café
 
 
 
 
Séance 2 
Présidente de séance : Françoise Wolf-Mandroux
 
11h15-11h35 :
Odile Racine
Enseigner la grammaire pour accompagner l’apprenant vers l’autonomie
 
11h35-11h55 :
Thomas Szende
Grammaire L1 – Grammaire L2 : témoignage d’un  enseignant de hongrois
 
11h55-12h25 :
Claude Hagège
Les  langues  comme  construction  humaine et la polarité verbo-nominale
 
12h25-12h45 : Discussion
 
Intervention du président de l’Inalco Jean-François Huchet
 
13h00-14h45 : Pause déjeuner
 
 
Séance 3
Président de séance : George Alao
 
14h45-15h05 :
Sibel Berk
Enseigner le turc comme langue étrangère
 
15h05-15h25 :
Diana Lemay
Comment enseigner la grammaire slovaque aux francophones aujourd’hui ?
 
 
 
15h25-15h45 :
Aliou Mohamadou
Construire une progression grammaticale à partir de corpus de textes : l’exemple du peul
 
15h45-16h05 :
Jin-Ok Kim
L'enseignement de la particule de thème en coréen : que nous apprennent les commentaires des apprenants ?
 
16h05-16h25 : Discussion
 
16h25-16h45 : Pause café
 
Séance 4
Président de séance : Shahzaman Haque
 
16h45-17h05 :
Marcel Courthiade
Les spécificités de l'enseignement de la grammaire dans le cas d'une langue reconnue comme polylectale : le rromani, avec ses 4 dialectes égaux
 
17h05-17h25 :
Françoise Lelièvre (à confirmer)
 
17h25-17h45 :
Elena Akborisova
Pratiques d’enseignement de l’aspect verbal en russe
 
17h45-18h05 :
Liliane Hodieb
Quelques difficultés grammaticales que révèle la construction d’un dictionnaire : le cas du wushi
 
18h05-18h25 : Discussion
 
18h30 : Clôture et cocktail dînatoire 
 
Equipe de recherche :

Type : 

  • Colloques et journées d'étude