Colloque international « Documenter et décrire les langues et littératures minoritaires et en danger à l'ère numérique », les 19 et 20 janvier

3 février 2023
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Jeudi 19 et vendredi 20 janvier 2023 à l'Inalco - PLC (19/01/2023) et Maison de la recherche (20/01/2023) 
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Documenter et décrire les langues et littératures minoritaires / colloque 19-20/01/2023 © Steve Johnson / Pexels‎
Contenu central

Manifestation organisée à l'Inalco par l'équipe Pluralité des Langues et des Identités : Didactique – Acquisition – Médiations (PLIDAM), en hybride.

Organisation : Liliane Hodieb, PLIDAM (Inalco)

Jeudi 19 janvier 2023 - 08:30-19:30 - Auditorium
PLC, 65, rue des Grands Moulins - 75013 Paris

Vendredi 20 janvier 2023 - 13:30-18:00 - Auditorium Dumézil
Maison de la recherche - 2, rue de Lille - 75007 Paris

Documenter et décrire les langues et littératures minoritaires et en danger à l'ère numérique : épistémologie, pratiques et défis

Colloque international

Dans la conception traditionnelle de la documentation et la description des langues et littératures, en tant que discipline dont l’objectif ultime est la conservation des langues et littératures du monde, la production de grammaires, de dictionnaires, et de textes divers tels que des narrations ou des épopées, est considérée comme une fin en soi (Woodbury, 2003:35). Pour les typologues, une utilité majeure de la documentation linguistique est la représentation adéquate des « types » de langues. A ce titre, les travaux fondamentaux de Greenberg (1963) se sont concentrés sur l'identification des limites de la variation interlinguistique en classant les langues en fonction des types de construction, et reléguant au second plan les variations intralinguistiques. Une telle entreprise est nécessairement tributaire de la nature des données ainsi que des méthodes de collecte, lesquelles données, en l’occurrence, consistent majoritairement en des énoncés non naturels, sans contexte défini. Cependant, une réorientation de l’objet principal de la documentation linguistique est en train d’être observée : une représentation des langues fondée sur leur usage en contexte naturel. Ce nouvel objectif dans lequel la production de grammaires et de dictionnaires s’inscrit non plus comme une finalité mais comme un élément constitutif de l’apparatus, c’est-à-dire de la procédure dans son intégralité, influe lui aussi sur ce dernier et sur ses utilisations. Par exemple, l’aspect social du langage, notamment le phénomène de cognition sociale, c’est-à-dire l’ensemble des processus cognitifs impliqués dans les interactions sociales, est intéressant à comparer d’une culture à une autre (Schnell et al., 2021:15). Mais, la question du corpus n’en demeure pas moins réelle, particulièrement à l’ère où le numérique devient omniprésent, incontournable, et où, frappées par une pandémie (Covid-19), plusieurs régions du monde sont inaccessibles, rendant les recherches de terrain dans ces zones impossibles. Pour Woodbury (2003:43-17), un bon corpus est premièrement diversifié, représentant une diversité de situations, de participants, de registres, de genres littéraires, etc. Il est deuxièmement large ; de plus, il se développe continuellement. Il est transparent, conservable, portable et éthique.

Comment remplir l’ensemble de ces critères pour les langues qui ne comptent plus qu’une centaine de locuteurs, de surcroît dispersés à travers le monde en raison de crises sociales, politiques ou sanitaires, et dans un contexte où la pression exercée par la mondialisation sur le monde entier conduit à l’abandon fulgurant des langues et cultures autochtones au profit de langues dominantes ? Sur le plan didactique, comment joindre la pratique de terrain à la théorie toujours dans ces mêmes contextes ? Quid des métadonnées, jadis considérées comme marginales, mais dont la prise en compte en tant que constituant à part entière du corpus apporterait des éclairages originaux ? Et, faut-il se fier davantage aux corpus écrits ou bien oraux/signés ?

On peut en outre s’interroger sur la documentation de la variation dans le contexte des langues minoritaires et en danger. Par exemple, comment conjuguer la description grammaticale et l’analyse de la variation ? Ou encore, quelles approches et méthodes seraient les plus adaptées à la documentation de la variation dans de telles communautés linguistiques ? Par ailleurs, dans quelle mesure l’interdisciplinarité, notamment l’intégration de procédés relevant du traitement automatique des langues (NLP) ou de la sociolinguistique, peut-elle bénéficier aux chercheurs travaillant sur des langues minoritaires et en danger et plus largement à la théorie linguistique et au phénomène du changement linguistique (Meyerhoff 2019) ?

Une autre question tout aussi importante est celle de la place des autochtones dans le processus de documentation et de description. Cruz (2020:43) souligne à cet égard qu’en tant que discipline, la documentation et la description linguistiques ont été créées par et pour les membres d’institutions académiques pour qui le travail collaboratif avec les autochtones relevait presque du surréalisme. Or, il est des avantages uniques liés à la collecte de données effectuée par ceux-ci, comme la confiance de la communauté faisant l’objet des recherches, qu’un chercheur allogène doit en revanche prendre le temps de construire, chose qui ne se fait du jour au lendemain. L’intégration des autochtones non seulement dans la collecte mais aussi dans les analyses, les réflexions académiques fait indéniablement défaut. Comment y remédier ?

Enfin, une difficulté d’un autre ordre, rarement évoqué, concerne les femmes chercheuses. Cruz (2020:49) précise à ce propos que dans certaines cultures, les femmes entreprenant un travail de terrain sont frappées d’anathème parce que leur place est supposément ailleurs que dans la recherche.

Ce colloque se veut être une occasion de réfléchir à ces questions, non exhaustives, mais aussi de partager des témoignages de chercheurs et chercheuses, notamment en linguistique, didactique, littérature et anthropologie. Le colloque se tiendra en mode hybride.

Comité scientifique
James Essegbey, University of Florida
Amina Mettouchi, EPHE, LLACAN
Peter Stockinger, Inalco, PLIDAM
Thomas Szende, Inalco, PLIDAM