Conférence Grand témoin : Bruno Philip, journaliste et correspondant du journal Le Monde en Asie du Sud-Est

17 mars 2022
  • Asie et Pacifique

  • Fondation

Retour sur la conférence-débat coorganisée par l’Inalco, Asialyst et la Fondation Inalco le 16 février 2022 : « Où va la Birmanie, un an après le coup d’État ? ».
Protest in Myanmar against Military Coup
visuel conférence birmanie © Protest in Myanmar against Military Coup, 14 février 2021 CC BY-SA 4.0 MgHla (aka) Htin Linn Aye‎
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A l'orgine du coup d'Etat

Le 1er février 2021 le gouvernement civil de Birmanie est renversé par l’armée, commandée par le général Min Aung Hlaing. La Conseillère d’Etat, Aung San Suu Kyi, membre de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), élue le 8 novembre 2020, est arrêtée et assignée à résidence par les forces militaires qui déclarent par la même occasion l’état d’urgence

Bruno Philip, journaliste et correspondant du journal Le Monde à Bangkok, rappelle que la Birmanie a déjà été dirigée par un régime militaire qui a débuté en 1962. Cette période de troubles et de tentatives de coup d’Etats successifs est également marquée par le mouvement pro-démocratique en 1988 qui a été « lavé dans le sang par l’armée birmane ». Cependant dès 2010, l’armée se retire du pouvoir et un processus de démocratisation se met en place. En 2020 les élections démocratiques ont lieu, le gouvernement est alors composé d’un gouvernement civil et d’un gouvernement militaire qui occupe plusieurs ministères comme celui de la défense, des frontières et de l’intérieur.  Malgré les compromis de la LDN avec l’armée, leurs relations vont rapidement se dégrader jusqu’à se retrouver « presque du jour au lendemain » de nouveau sous régime militaire.

Conséquences du coup d’Etat militaire

Dans les semaines qui suivent, un « soulèvement d’ampleur » contre l’armée débute et plusieurs milliers de Birmans descendent dans les rues afin de condamner ce pustch, entrainant une répression violente de la junte militaire faisant plus 1 500 morts et menant à plus 1 200 arrestations en un an. Cependant, la « résistance au quotidien » continue de perdurer dans les villes, notamment avec des appels aux grèves silencieuses, un an jour pour jour après le coup d’Etat.​ Aux frontières et partout dans le pays, des guérillas ethniques continuent à batailler contre l’armée du général Min Aung Hlaing. 

Le bilan de cette année est donc « catastrophique » selon les mots du reporter :

  • Sur le plan économique près de la moitié des Birmans vit désormais sous le seuil de pauvreté
  • Le cours de la monnaie nationale s’est effondré
  • Les exportations et importations sont presque inexistantes
  • La croissance du pays a baissé de près de 18% en un an.
Conférence-débat avec Bruno Philip, Joris Zylberman, Alexandra de Mersan et Francis Christophe
Conférence-débat avec Bruno Philip, Joris Zylberman, Alexandra de Mersan et Francis Christophe © Cecile Leblond – Fondation Inalco‎

Résistance et minorités ethniques

Ce « rejet total de l’armée » et cette la résistance extrêmement forts s’étaient déjà exprimés à travers les élections menant à la victoire du LND en 2020, selon Alexandra de Mersan, enseignante-chercheuse à l’Inalco et anthropologue spécialiste de la Birmanie, des migrations et des religions. Elle rappelle également que la Birmanie est composée de sept Etats officiels, et est souvent désignée par le terme de « mosaïque ethnique », illustrant la complexité de la situation birmane mais surtout sa grande diversité. On dénombre officiellement 135 groupes ethniques, géographiquement repartis dans les zones frontalières, le centre du pays étant majoritairement occupé par les populations birmanes.

Carte minorités ethniques en Birmanie
"Burma : insurgency and the politics of ethnicity" de Martin Smith © AFP‎

La question de l’unité nationale en Birmanie constitue donc un enjeu majeur pour les gouvernements successifs depuis l’indépendance du pays en 1948. Cette résistance s’inscrit donc dans le prolongement de cette volonté d’unité et de démocratisation impulsée depuis une dizaine d’années, mais qui a, malheureusement, complétement été mise à mal par le renversement du pouvoir démocrate en février 2021. Ces groupes cherchent également à faire reconnaître leur diversité, notamment à travers des mouvements armés, qui se sont mis en place dans toutes les composantes de la société birmane contre la junte militaire, comme l’illustrent les alliances entre les différents « comités de défense du peuple » (People’s defence force) et les armées ethniques.

Retrait de TotalEnergies

Cette crise politique et humanitaire plonge la Birmanie dans une crise économique qui l’isole de la communauté internationale, et est amplifiée par le retrait d’investisseurs implantés dans le pays. Francis Christophe, journaliste indépendant et spécialiste de la Birmanie, souligne la gravité du départ de la compagnie française TotalEnergies, présente sur le territoire depuis 1992, et de son partenaire américain Unocal-Chevron le 21 janvier dernier pour l’économie locale mais également pour le régime militaire en place.
 
Retrouvez l’intégralité de la conférence-débat Grand Témoin "Où va la Birmanie, un an après le coup d'Etat ?" en replay

Rédigé par : Cécile Leblond / Fondation Inalco