Cycle de projections débats : « (Contre-)mémoires cinématographiques des conflits en Europe médiane » : édition 2022-2023

20 octobre 2023
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Médium de masse du XXe siècle, le cinéma, qu’il serve un récit officiel, l’affronte ou explore les histoires et les mémoires individuelles, est un lieu privilégié pour observer les tensions et les forces en présence dans l’écriture de l’histoire des conflits et des violences de masse.
Scène du film
« Peu m’importe si l’histoire nous considère comme des barbares », film de Radu Jude (Roumanie, 2018) © Météore Films ‎
Contenu central

Retrouvez la programmation du cycle de projections-débats 2023-2024.

Conception et organisation : Anne Madelain (Inalco, centre de recherche Europes-Eurasie-CREE) et Naïma Berkane (Sorbonne Université, Eur’Orbem)

Lieu : auditorium de l'Inalco, PLC - 65, rue des Grands Moulins - 75013 Paris

Ce cycle s’adresse aux étudiants et au grand public. Entrée libre.
 
Dans ce cycle de projections suivies de discussions, on regardera les films comme autant de documents et d’acteurs des débats et batailles historiographiques spécifiques à l’Europe centrale, orientale et balkanique sous les régimes communistes ou autoritaires et après leur chute.
 
Les films seront projetés en version originale sous titrée en français (ou à défaut en anglais) et les projections seront suivies de discussions-débats en présence du réalisateur.trice, d’un membre de l’équipe du film ou d’un.e spécialiste du domaine. Les séances pourront avoir des formats différents (un ou plusieurs films, longs-métrages de fiction, films d’animation, documentaires et courts-métrages expérimentaux, fiction ou documentaires).

Programme du cycle 2022-2023

Vendredi 14 avril 2023 - 18h00 - 21h00

Peu m’importe si l’histoire nous considère comme des barbares (Îmi este indiferent dacă în istorie vom intra ca barbari)

Radu Jude, 2018, 140 minn, distribution : Météore Films 

À l’été 1941, l’armée roumaine avance en territoire soviétique aux côtés de la Wehrmacht, d’abord en Bessarabie et en Bucovine du Nord, puis sur le territoire de la Transnistrie. En octobre, les soldats roumains massacrent des dizaines de milliers de Juifs à Odessa, sur ordre du maréchal Antonescu. Comment évoquer aujourd’hui en Roumanie cette page d’histoire douloureuse et longtemps occultée ? Mariana Marin (Ioana Iacob), une jeune metteuse en scène, nourrit le projet d’un spectacle sous forme de reconstitution d’une parade militaire. Mais dans un contexte où la concurrence mémorielle est vive et le négationnisme rampant, un tel retour sur ce passé se révèle tout sauf aisé, les participants au projet et les intervenants extérieurs ayant tous des idées bien arrêtées sur la question, qu’il s’agisse de figurants (Traian, interprété par Alex Bogdan) ou de représentants des autorités locales (Movilă, interprété par Alexandru Dabija). 

Primé au Festival International de Karlovy Vary en 2018 (Globe de cristal du meilleur film et Prix CICAE), au Festival Indépendances et créations d’Auch en 2018, au Festival Travelling de Rennes en 2019 et salué par la critique.

La projection sera suivie d'une discussion avec Irina Gridan, historienne, maître de conférences à l'Inalco.

Un homme en veste de cuir regarde l'objectif
Paysage n°2 (Pokrajina Št.2) de Vinko Möderndorfer © Forum Ljubljana‎

​Lundi 13 février 2023 - 18h00 - 20h30 

Paysage n°2 (Pokrajina Št.2)

Vinko Möderndorfer, 2008, 90 min, vostfr, production : Forum Ljubljana

Les cambrioleurs Sergej et Polde dérobent un précieux tableau intitulé « Paysage n° 2 ». Par hasard, Sergej s’empare également d’un mystérieux document datant de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un instructeur est chargé de retrouver le tableau et le document disparus, et l’enquête fait resurgir les mécanismes diaboliques du passé.

Paysage n° 2 est né de la prise de conscience que tout passé – personnel ou national – non digéré laisse des traces et revient nous hanter. Son retour pèse sur les nouvelles générations, non directement concernées par le passé de leurs pères et grands-pères et qui sont indifférentes à cette question. Le film raconte les exécutions d’après-guerre des collaborateurs nazis que même l’Église catholique avait soutenus. Des histoires similaires hantent aussi d’autres nations. Cependant, peut-être sont-elles là-bas moins traumatisantes, car les exécutions extrajudiciaires des traîtres en Slovénie sont liées à la longue présence du régime communiste. L’histoire de la liquidation des collaborateurs durant l’après guerre revient sans cesse dans la conscience européenne, et jusqu’à présent nous n’avons pas encore surmonté ces événements traumatisants pour les ranger définitivement dans les archives de l’histoire.
Vinko Möderndorfer.

La projection sera suivie d’une discussion animée par Jovana Papovic (CETOBaC, EHESS), par Kaja Dolar (Inalco), et par Nicolas Brunot, étudiant à l'Inalco.

Affiche du film "Ballade à Sarajevo" Scène du film Un homme et une femme sont allongés dans un lit
Ballade à Sarajevo © Bridgeman Images / L’Embuscade (Zaseda) © Malavida Centar film / Prométhée de l'île Viševica (Prometej s otoka Viševice) © Hrvatski državni arhiv‎

Vendredi 28 octobre 2022 - 15h00 - 21h30

Les partisans yougoslaves : figures historiques et héros de cinéma

Séance de trois films introduits et commentés par Naïma Berkane (Eur’Orbem) 

Héros de la Guerre de libération nationale, les Partisans sont célébrés dans la Yougoslavie socialiste et toute une culture visuelle leur est attachée. L’acte inaugural de la cinématographie yougoslave d’après-guerre, Slavica, est un film glorifiant la résistance communiste contre les occupants qui donne naissance à un genre spécifique et prolifique, allant du réalisme socialiste aux westerns ou aux films d’espionnage : « le cinéma de partisans ». Nous proposons d’observer certaines de ses variations à travers trois films produits entre 1964 et 1971, pendant le deuxième modernisme cinématographique : Le Traître (précédemment intitulé en français « Ballade à Sarajevo ») une coproduction internationale à grand spectacle, Serge Gainsbourg et Jane Birkin au casting et rare exemple de film centré sur les activités du Front antifasciste des femmes ; L’Embuscade, film naturaliste, dit « de la Vague noire », qui se fait contre-récit du moment révolutionnaire ; Prométhée de l'île Viševica, film d’auteur moderniste dont la structure complexe questionne la mémoire en tant qu’acte de remémoration et présente une grande radicalité esthétique.

  • 15h00 : Le Traître (Devetnaest djevojaka i jedan mornar), Milutin Kosovac, 1971, Bosna Film (1h13)
  • 17h00 : L’Embuscade (Zaseda), Živojin Pavlović, 1969, Filmska radna zajednica (1h20)
  • 19h00 : Prométhée de l'île Viševica (Prometej s otoka Viševice), Vatroslav Mimica, 1964, Jadran film (1h30)
Affiche du film
« Retour à Višegrad », de Julie Biro et Antoine Jaccoud © Louise Productions Lausanne‎

Lundi 10 octobre 2022  - 18h00 - 20h30

Retour à Višegrad

Julie Biro & Antoine Jaccoud, Suisse, Louise Productions, 2020, 95 minutes

Vingt-cinq ans après la guerre de Bosnie, deux enseignants retraités prennent la route pour retrouver les élèves d’une classe de l’école de Višegrad, cette ville de l’est du pays connue pour son fameux pont sur la Drina. Serbes ou Musulmans, et surtout voisins et camarades de jeux, les enfants ont été séparés au printemps 1992 et ne se sont jamais revus depuis. Photo de classe en main, la vieille Zastava yougoslave sortie du garage, Djemila, veuve de l'instituteur, et Budimir, ancien directeur de l’école primaire, s’engagent sur les routes d’un pays disparu avec l’espoir de convaincre ceux et celles qu’ils parviendront à retrouver de se réunir à nouveau.

Retour à Višegrad est un voyage amer, qui se tient entre l’ombre portée d’un passé douloureux pour les protagonistes et la lumière ambiguë, celle où se confondent la joie des retrouvailles, la promesse d’un avenir commun et une conscience endeuillée. Car Igor, Mirela, Mladen et les autres savent que leur enfance leur a été volée et qu’ils demeurent les héritier.ere.s inconsolé.e.s d’un monde disparu. Emmanuel Chicon, festival Visions du réel 2021.

En présence de la réalisatrice Julie Biro.