Disparition d’Anna Kokko-Zalcman, enseignante de finnois à l’Inalco de 1965 à 1998

21 avril 2023

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Nous avons appris avec beaucoup de tristesse le décès à Champigny-sur-Marne, le 5 janvier 2023, à l’âge de 90 ans, d’Anna Kokko-Zalcman, enseignante de finnois aux Langues O’ de 1965 à 1998. Elle était l’auteur d’un manuel de finnois légendaire (On tie…, 1974) qui a marqué plusieurs générations d’étudiants.
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Anna Kokko-Zalcman (1932-2023)

Née à Lahti le 14 novembre 1932, elle avait commencé sa scolarité dans la petite ville de Sysmä, au bord du lac Päijänne, où son père, l’écrivain Yrjö Kokko, travaillait comme vétérinaire. Évacuée en Suède pendant la guerre, comme de nombreux enfants finlandais, elle avait terminé en 1951 ses études secondaires dans la petite ville suédoise de Haparanda, toute proche de la frontière finlandaise. Elle avait étudié ensuite à l’université de Helsinki, obtenant en 1956 une maîtrise en philologie romane et nordique. L’année suivante, elle avait passé un autre diplôme à l’université de Grenade.

Installée à Paris à partir de 1957, mariée au peintre français d’origine polonaise Maurice Zalcman, avec qui elle aura deux fils, Anna Kokko-Zalcman avait d’abord travaillé comme correspondante pour le journal finlandais Aamulehti (1960-1965), avant de devenir en 1965 lectrice de finnois à l’École nationale des langues orientales vivantes. Après avoir soutenu en 1982 une thèse de troisième cycle en linguistique contrastive rédigée sous la direction de Jean Perrot (La formulation quantitative en finnois et en français), elle avait été nommée maître de conférences dans ce même établissement (devenu entre-temps l’Inalco), poste qu’elle occupera jusqu’à sa retraite en 1998.

Enseignante enthousiaste et bienveillante, Anna Kokko-Zalcman savait transmettre à ses étudiants l’amour de la langue finnoise et de la Finlande. En 1984, elle avait répondu à la sollicitation du groupe de deuxième année qui voulait se rendre en Finlande, en leur organisant une tournée théâtrale, à laquelle elle avait participé : elle avait traduit en finnois la Farce du cuvier et la Sotie des gens nouveaux, que les étudiants ont jouées en français et en finnois à Tampere, Joensuu et Helsinki.  

Son manuel de finnois, On tie… : cours de finnois en 24 leçons (1974, réédité en 1980 et 1989), tirait son titre du premier vers du poème de Yrjö Kaijärvi qui ouvrait la première leçon. Le début de ce poème, qui constituait une entrée en matière très singulière – presque un rite initiatique ! – pour les Français désireux d’apprendre le finnois, est resté gravé dans la mémoire de tous ceux qui ont utilisé cet ouvrage :
 
Oli tie.
Oli koukkuleuka akka.
Se akka oli kaunis,
suora ja vapaa,
ja sydämeltä iloinen
ja mieleltä kevyt.
Ja tie oli sohjua ja rapaa.
 
Anna Kokko-Zalcman avait publié par la suite un second manuel, davantage centré sur la communication courante, Manuel pratique du finnois parlé (1991, réédité en 1995), également publié en espagnol (1994). En 1989, avec sa collègue Anja Fantapié, elle avait mis en place un enseignement du finnois à distance, dans le cadre des formations à distance de l’Université Paris III Sorbonne Nouvelle.

À côté de ses activités d’enseignement, Anna Kokko-Zalcman avait publié de nombreux articles et comptes rendus, en particulier dans les revues Études finno-ougriennes et Boréales. Un volet assez méconnu de son œuvre est constitué par ses trois romans, publiés dans les années 1960 sous le pseudonyme d’Anna Ungelo (d’après le nom de la maison de son père en Laponie, où celui-ci aimait se retirer pour écrire). Le premier d’entre eux, Pysähtyneet kellot (Les horloge arrêtées, 1960), récemment publié en espagnol dans une traduction de l’auteur, se déroule dans une ville imaginaire d’Espagne inspirée de Nerja, localité andalouse où la famille Zalcman passait tous ses étés. L’Espagne était en effet aussi chère à son cœur que la France.

Tout au long de sa vie et de sa carrière, Anna Kokko-Zalcman aura bâti inlassablement des ponts entre les cultures française et finlandaise.
 
Antoine Chalvin, Elina Suomela-Härmä et Eva Toulouze
 
(Ce texte est une version légèrement remaniée de la nécrologie à paraître dans le volume 55/2024 de la revue Études finno-ougriennes).