Si les étudiants et les professeurs de l’Inalco peuvent aujourd’hui profiter de deux bâtiments entièrement réservés à l’étude des langues et civilisations orientales, il n’en a pas toujours été ainsi. La loi du 10 germinal an III (30 mars 1795) qui crée l’École spéciale des langues orientales porte « qu’il sera établi dans l’enceinte de la Bibliothèque nationale, une École publique destinée à l’enseignement des Langues Orientales vivantes, et d’une utilité reconnue pour la Politique et le Commerce ». A l’époque, trois cours sont prévus : celui de Persan et de Malais, celui d’arabe littéraire et vulgaire et celui de Turc et de Tatar de Crimée. A ces enseignements se greffent rapidement l’arménien et le grec moderne¹.
Les professeurs proposent ainsi quatre leçons par décade (unité de mesure utilisée par le calendrier républicain qui divise les mois en trois dizaines de jours) au cours desquels ils présentent à leurs auditeurs les principes des langues et des analyses de textes. L’École se développe ainsi jusqu’à la mort d’Antoine-Isaac Silvestre de Sacy en 1838. D’autres cours s’ajoutent tels que l’hindoustani, le chinois, ou le japonais.
Cependant, les limites de l’installation à la Bibliothèque nationale se font cruellement ressentir et sont dénoncées à plusieurs reprises par les professeurs et les élèves. En effet, bien que le Président de l’École soit membre du conservatoire de la bibliothèque² et possède donc une influence dans la gestion de l’établissement, la localisation des salles de classe au sein du Quadrilatère Richelieu reste très handicapante. Ainsi, la proximité avec la rue Neuve-des Petits-Champs, rue passante et animée, ne facilite pas l’écoute des cours. De plus, les élèves doivent déjà parvenir à trouver le local de l’École qui n’est pas indiqué et qui se trouve dans une aile reculée de la bibliothèque. Cette situation mène à la mise au point d’un projet de réorganisation élaboré par des élèves en 1848. Ceux-ci soulignent dans leur mémoire le caractère « insalubre, et perdu dans les sombres détours d’une entrée particulière de la bibliothèque nationale » du local attribué à l’École et demandent la mise à disposition de nouveaux locaux³.
Mémoire de la commission déléguée par les élèves anciens et nouveaux de l’Ecole nationale des langues orientales et du collège de France, 1848, F/17/4054, Archives nationales de Pierrefitte
Suite à ces appels répétés, le fonctionnement de l’École est progressivement réorganisé par les décrets impériaux du 8 novembre 1869 et du 8 juin 1870. L’institution est transférée temporairement dans les locaux du Collège de France avant de déménager, en 1873, au 2 rue de Lille qu’elle occupe encore aujourd’hui.
¹ Plaque d’imprimerie du programme des cours pour l’an 9, novembre 1800, 62AJ 72 Archives nationales de Pierrefitte.
² Ordonnance du Roi portant Règlement de l’École royale et spéciale des langues orientales vivantes près la Bibliothèque du Roi du 22 mai 1838, F/17/4055, Archives nationales de Pierrefitte.
³ Mémoire de la commission déléguée par les élèves anciens et nouveaux de l’Ecole nationale des langues orientales et du collège de France, 1848, F/17/4054, Archives nationales de Pierrefitte.