Mission de terrain de Marcella Rubino : Un état des lieux des espaces littéraires à Khartoum (1er au 11 octobre 2022)

7 novembre 2022
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L’objectif de ces 11 jours de terrain était d’établir un état des lieux de la vie littéraire à Khartoum, à travers la visite de la majorité des espaces culturels proposant des activités liées à la littérature et des entretiens avec leurs responsables.
Photo de groupe
Photo de groupe au centre Nartaqi, octobre 2022 © Photo personnelle‎
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L'objectif de la mission a été non seulement atteint, mais grâce à l’indéfectible collaboration des interlocuteurs soudanais, Marcella Rubino a pu non seulement réaliser ses intentions de départ, mais les dépasser en devenant elle-même acteur de ces activités culturelles par le biais de rencontres littéraires qu'elle a été invitée à animer, seule ou avec son collègue belge Xavier Luffin.

Elle a pu ainsi visiter et photographier les lieux suivants, et s’entretenir longuement avec leurs responsables :

  • Le centre Abd el-Karim Mirghani (du nom d'un éminent lettré et notable soudanais) à Omdurman, un des plus anciens centres culturels de la capitale, organisateur du prix Tayyeb Salih du roman soudanais ;
  • Le centre Abd Allah al-Tayyeb (du nom d’un éminent lettré soudanais), dépendant de l’Université de Khartoum, à l’origine de plusieurs colloques et journées d’études sur la littérature soudanaise, africaine, et arabe ;
  • La Maison de la poésie, également dépendant de l’Université de Khartoum ;
  • Le centre al-Khatim Adlan (du nom d’un militant communiste soudanais), d’orientation communiste, très actif dans la formation des jeunes, la musique, les arts visuels et la littérature. Depuis la révolution de 2018, ce centre proche du quartier de l’Université se consacre majoritairement à des débats politiques et des activités sociales ;
  • Le centre Nirvana, de formation plus récente, dirigé par le jeune et dynamique Muhannad Rajab, lui-même romancier. Il propose des activités allant des projections au débat cinématographiques, aux concerts, aux débats littéraires. Il se trouve dans le quartier aisé de Riyadh.
  • Le centre Nartaqi (« s’élever »), dirigé par la jeune écrivaine Isra al-Rayyes, dans le quartier résidentiel al-Manshiya. Le centre, très fréquenté par les jeunes, possède une ample bibliothèque, une librairie, et est également une maison d’édition. Il propose des ateliers d’écriture littéraire, des rencontres littéraires et des débats sociétaux, des formations dans plusieurs domaines ;
  • Le centre al-Fa’l (« optimisme »), dans le quartier résidentiel Amarat, dirigé par la romancière et nouvelliste Sarah al-Jak, consacré à la formation littéraire surtout des jeunes femmes (mais aussi des jeunes hommes) par des ateliers d’écriture et des rencontres et débats littéraires.
  • Le café culturel Rateena, à Buri, dirigé par le jeune entrepreneur Omar Ashari, membre de la grande entreprise soudanaise Dal. Rateena est son projet personnel et offre surtout des concerts actuellement, mais a l’intention de remettre les rencontres littéraires dans son agenda 2023. Ce café est le seul endroit à but aussi lucratif que nous avons visité.

A toutes ces rencontres il faut ajouter un entretien avec le ministre de la culture Abd el-Qader Jaraham qu'elle a pu interroger sur la politique culturelle du gouvernement actuel et l’éventuelle collaboration avec ces différents lieux de l’activité littéraire, ainsi qu’avec des éditeurs et avec l’Union des écrivains soudanais.

Les centres culturels étrangers (français, anglais, allemand et turc notamment) participent également à cette vie littéraire et culturelle plus généralement. Mis à part le centre culturel français où elle a tenu une conférence sur la traduction de la littérature soudanaise, il n’a pas été possible de visiter les autres en raison de la durée limitée du terrain.

Cet état des lieux a révélé plusieurs choses : une société très dynamique, même dans ces temps difficiles sous un régime issu d'un coup d’État ; un foisonnement de centres culturels, allant des plus anciens et traditionnels aux plus jeunes, les uns et les autres se connaissant et travaillant volontiers ensemble ; une diminution relative des activités littéraires depuis la révolution de 2018, à l’avantage des rencontres et débats politiques ; une grande foi pour la littérature et un grand respect des jeunes générations pour les écrivains et leurs œuvres, une envie de lire la littérature mondiale et de se former à l’écriture et à la traduction.

Ce terrain a pu être réalisé grâce au soutien du CEDEJ Khartoum et fera l’objet d’un compte rendu élaboré qui sera publié. Par ailleurs, avec les rencontres effectuées lors de ce même séjour avec les directeurs de départements des langues de 4 universités de Khartoum (Université de Khartoum, Ahliya, Nilein et Université du Soudan), il a permis de poser les jalons de futures collaborations sur lesquelles s’appuiera le projet JCJC qu'elle présente cette année au comité d'évaluation de l'ANR.