Colloque international « Langues et littératures minoritaires : enjeux et valorisation », le 17 septembre, en visioconférence

22 septembre 2021
  • Colloque

  • PLIDAM

  • Recherche

Ce colloque a pour objectif de promouvoir les langues autochtones orales et signées, dont beaucoup sont mésestimées et menacées de disparition. Il s’agira de discuter des défis et des avancées des travaux en cours sur la description linguistique, la didactique, les politiques linguistiques et la littérature dans les langues autochtones minoritaires en Afrique et au-delà. A cette occasion, l'équipe PLIDAM lance la 1ère édition du concours de poésie en langues africaines Mashairi (« poésie » en swahili).
Peinture abstraite
Langues et littératures minoritaires - visuel © www.pexels.com/photo/abstract-painting-1690351/‎
Contenu central

Evénement organisé par l'équipe de recherche PLIDAM - Pluralité des Langues et des Identités : Didactique – Acquisition – Médiations (Inalco).

Ce colloque marque l'ouverture officielle de la première édition du concours de poésie en langues africaines, surnommé Mashairi (« poésie » en swahili). Ce concours vise à valoriser ces langues en encourageant la création littéraire. De manière ultime, ces créations constitueront un corpus important qui pourra être exploité dans les recherches futures.

Organisatrice : Liliane Hodieb, Inalco, PLIDAM

Vendredi 17 septembre 2021 - 09:15-19:00 - Evènement en ligne
Inscription obligatoire et gratuite.
Les personnes inscrites recevront le lien Zoom quelques jours avant le colloque. 

Colloque international « Langues et littératures minoritaires : enjeux et valorisation »

Présentation
Le plurilinguisme remarquable de l’Afrique a souvent été considéré comme un frein majeur à son développement. En effet, dans beaucoup d’esprits, la notion de diversité est associée à celle d’entrave, à tort, puisque des pays linguistiquement homogènes tels que le Burundi et le Rwanda sont comptés parmi les pays en voie de développement (Bamgbose, 1994 : 37). Pour Bamgbose, l’homogénéité des Etats, qu’elle soit linguistique ou ethnique, est un mythe, la norme aujourd’hui étant une hétérogénéité qui, lorsqu’elle valorise les différences, y compris les minorités, devient un atout inestimable (ibid. : 38). L’un des aspects de la société dont les contours sont  inéluctablement  déterminés  par  une  telle  appréhension  de  la diversité linguistique est l’éducation. Or, depuis la colonisation, celle-ci a souffert d’une forme d’étrangéisation (Pejoska-Bouchereau, 1995) assujettissante, voire profondément aliénante (Fanon, 1952), qui malgré son essence allogène, et par conséquent éloignée des réalités africaines, a subjugué ces sociétés, dénaturant du même coup leurs représentations des éléments de culture essentiels, notamment les langues autochtones. Ezeanaya-Esiobu (2019) déplore à juste titre l’écart sinon la dissonance entre les curricula adoptés par les systèmes éducatifs d’Afrique et l’expérience africaine. En d’autres termes, pour l’auteure, le défaut d’empirisme dans l’élaboration de ces curricula explique le manque d’innovation et de créativité observé d’une manière générale chez les Africains. En effet, pour qu’il y ait innovation, il est capital d’avoir une connaissance intime de son environnement. Ainsi, le rôle de l’éducation est d’aider les individus à comprendre leur réalité vécue. Et pour cela, « [e]ducators should engage society actively, for more knowledge is useless if not backed by action. » (ibid. : 12). Dans ce sens, le onzième principe de la Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles de 1982 par l’UNESCO stipule qu’« [i]l est indispensable d'humaniser le développement, qui doit avoir pour finalité ultime la personne considérée dans sa dignité individuelle et sa responsabilité sociale. Le développement suppose que chaque individu et chaque peuple aient la possibilité de s'informer, d'apprendre et de communiquer son expérience. L’implication de l’Homme est d’autant primordiale qu’elle lui donne l’occasion de créer. La créativité, artistique ou intellectuelle, participe indéniablement à cette construction de l’Homme et lui est même indispensable. Elle est de surcroît façonnée par l’environnement, d’où sa spécificité à chaque culture dont aucune ne saurait prévaloir, puisque chaque culture représente une vision unique du monde, et « [l]’humanité s’appauvrit lorsque la culture d’un groupe déterminé est méconnue ou détruite » (UNESCO, 1982). Identité culturelle et diversité culturelle sont donc indissociables, non exclusives l’une de l’autre. C’est pourquoi, valoriser les indigénéités tout en promouvant les échanges et contacts entre elles, loin d’être délétère, contribue à la préservation du patrimoine commun de l’humanité.  Cela se traduit entre autres par la promotion du bi- et plurilinguisme, en particulier dans les sociétés où plusieurs langues coexistent, tel que c’est le cas pour la majorité des pays d’Afrique.

L’éducation plurilingue représente encore aujourd’hui un véritable défi pour ces pays, notamment en raison des politiques linguistiques inadéquates. Le modèle le plus courant consiste à mettre un point d’honneur sur les langues dominantes, notamment les langues européennes, au grand dam des minorités – les langues maternelles – qui, reléguées au second plan, tendent à être affublées de déconsidération manifeste ou implicite. Pourtant, Benson (2014 :  19)  souligne le cas de l’Ethiopie qui depuis 1994 a mis en place une politique linguistique qui encourage l’usage de langues maternelles dans l’alphabétisation et l’apprentissage jusqu’à la fin de la classe de quatrième, et stipule l’enseignement de l’amharique et de l’anglais en tant que matières. L’exemple de l’Ethiopie démontre qu’une bonne éducation plurilingue peut être offerte même lorsque les conditions sont lacunaires (un manque de documentation s’avère pour plus de vingt langues indigènes d’Ethiopie).

Promouvoir le développement culturel fait partie du processus de décolonisation des esprits évoqué  par Ngũgĩ wa Thiongo (1986). Une  réelle décolonisation doit passer par une réappropriation de la culture qui, toujours selon Ngũgi ̃représente chez les Africains le domaine le plus affecté par la colonisation (Ngũgi,̃ 1993), pour ne pas dire aliéné (Fanon,1952). Cependant, même les études postcoloniales sont accusées de perpétuer cette aliénation en excluant la littérature afrophone, c’est-à-dire en langues africaines et privilégiant la littérature europhone (Marzagora, 2015 : 2). Pour Marzagora, il ne s’agit pas d’opposer les deux cultures mais de les faire dialoguer : « [n]ew, productive critical perspectives could emerge from an analysis of connectivities, interactions, and cross-influences, first of all between different  African-language traditions, second between  different African-language and European-language African literature, and third between oral and written literature » (ibid. : 5). Autrement dit, s’affranchir de l’eurocentrisme sans toutefois se dérober à l’autre, car l’isolement total empêche le progrès humain et social ; en effet, toute culture s’enrichit par le contact avec d’autres cultures, et réciproquement (Ngũgi,̃ 1993 ; Lévi-Strauss,  2016). Seulement, ces échanges doivent se fonder sur le respect mutuel et l’égalité et non sur un principe de domination, préjudiciable à l’épanouissement des cultures et partant, des langues minoritaires, qui pourtant ont autant de dignité et de valeur que les langues jouissant d’un rayonnement plus important.

Pour les  communautés minoritaires et/ou minorisées en  particulier, développer un art populaire propre à leur culture est un moyen d’affirmer l’identité culturelle du groupe. Ceci a par exemple été observé au sein des communautés ayant pour langue maternelle la langue des signes américaine (ou ASL – American Sign Language), dont la littérature, composée de genres divers tels que la narration et la poésie, s’est révélée comme l’un des éléments essentiels, constitutifs de l’identité culturelle. Quant aux langues des signes indigènes d’Afrique encore trop invisibles, notamment dans la littérature et la recherche scientifique, elles gagneraient en estime de soi et en prestige si la culture – ici dans le sens d’éducation – littéraire autochtone était promue. N’oublions pas que la littérature est par ailleurs un véhicule de valeurs, lesquelles portent une spécificité inhérente à chaque groupe culturel, et la communauté sourde ne fait  exception. En effet, Harmon (2007 :200)  souligne  que  la production littéraire en ASL – pour les membres de cette communauté – devrait être d’autant valorisée que l’ASL représente leur langue maternelle, et non l’anglais. Ainsi, pour l’auteure, « writing in English (or other print languages) displaces a cultural identity grounded in a visual-spatial language, one that has historically been denigrated, suppressed and erased from sight ».

Redonner  de  la  visibilité  à  ces  minorités  est  par  conséquent  capital,  voire  urgent  pour certaines d’entre elles dont l’extinction est imminente, non seulement pour l’épanouissement de  la  culture  mais,  plus  globalement,  pour  la  préservation  du  patrimoine  commun  de l’humanité dont font partie toutes les cultures (Principe 4, UNESCO 1982).
 
Pour toutes ces raisons, et parce que « [l]e développement et la promotion de l’éducation artistique supposent […] l’élaboration de programmes spécifiques propres à éveiller la sensibilité artistique […] (Principe 29, UNESCO 1982), nous lançons la première édition du concours de poésie en langues indigènes africaines, surnommé Mashairi (« poésie »en swahili). Ce  colloque  marque  l’ouverture  officielle  du  concours.  Les  communications ne sont toutefois pas limitées à l’Afrique mais sont ouvertes à toutes les aires géographiques.

Langues et littératures minoritaires : enjeux et valorisation - Programme et résumés (1.48 Mo, .pdf)