Témoignage d’Alma Abou Fakher sur la première édition du Forum Insaniyyat à Tunis : Congrès international des sciences humaines et sociales sur l’Afrique, le Maghreb et le Moyen-Orient

12 novembre 2022
  • CERMOM

  • Recherche

Alma Abou Fakher, docteure en littératures et civilisations de l’INALCO et chercheuse associée au CERMOM, a assisté récemment au Forum Insaniyyat, le premier forum international des sciences humaines et sociales qui avait lieu du 20 au 24 septembre 2022 à Tunis et auquel participaient des chercheur.e.s. de provenance et d’horizons variés et de toutes générations.
Détail d'un tatouage
Photo de l'exposition du Forum Insaniyyat, 2022 © Photographes Insaniyyat, 2022.‎
Contenu central

Ce forum, coorganisé par les universités de la Manouba (UMA), de Tunis (UT), de Tunis al-Manar (UTM), de l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC Tunis), du GIS (Groupement d’Intérêt Scientifique) Moyen Orient et Mondes Musulmans et de la Société d’étude du Moyen-Orient et des mondes musulmans (SEMOMM), en partenariat avec d’autres institutions et organisations académiques et culturelles qui se sont associées à cette manifestation-, porte une ambition principale, celle « de contribuer à améliorer les conditions de circulation de la production scientifique entre Nord et Sud, entre Maghreb et Machrek de façon à faciliter la communication entre les héritages académiques et les situations institutionnelles ». Ancré dans l’histoire contemporaine du monde arabe, ce Forum a réussi à apporter une réflexion aux origines et aux impacts des crises (sanitaires, sociétales, politiques et économiques), en ouvrant un espace de débat et en favorisant les échanges entre chercheur.e.s, universitaires et artistes de sphères linguistiques et culturelles différentes.

Insistant sur le rôle majeur tenu par les sciences humaines et sociales dans le décryptage des mutations produites par les crises dans l’ensemble du monde arabe, ce Forum a regroupé les spécialistes de plusieurs disciplines (littérature, linguistique, anthropologie, sociologie, islamologie, ethnologie, musicologie, sciences politiques, entre autres) tout en proposant un programme culturel extrêmement riche qui s’articule autour du symposium Crises (festival de films, foires du livre, expositions artistiques, prestations musicales, exposition artisanale et écologique, ateliers de formation organisés en collaboration avec des associations de la société civile). Ce bref témoignage soulignera les événements marquants qui ont réuni des assistances diverses voulant promouvoir les recherches représentatives de la thématique des crises. En outre, Alma Abou Fakher abordera brièvement son intervention dans le cadre de ce Forum et mettra en relief l’engagement dans le sens du dynamisme culturel.

Plusieurs invités d’honneur de renommée internationale ont participé à cet événement aux côtés de professeurs de plusieurs universités. Lors de la session inaugurale, Jocelyn Dakhlia, historienne et directrice d’études à l’EHESS, Centre de Recherches Historiques à Paris, a tracé dans son intervention intitulée, Les coudées franches : parcours d'émancipations en sciences sociales, « les grands moments de construction et de scansion des sciences sociales relatives aux sociétés maghrébines depuis la décolonisation, et plus généralement relatives aux sociétés islamiques et à l'Islam » tout en soulignant l’impact des enjeux politiques sur les milieux de la recherche scientifique. De son côté, Hassan Rachik, anthropologue et professeur à l’Université Mohamed 6 à Rabat et à l’université Hassan II à Casablanca, est intervenu autour des défis et limites des ressources humaines et matérielles en sciences sociales.

Ces conférences ont attiré un large public. Les échanges au cours de chaque session ont été dynamiques et engageants. Alma Abou Fakher a participé avec passion aux plusieurs événements publics qui ont eu lieu durant le Forum et a raté, à cause de la densité du programme, plusieurs rendez-vous scientifiques et culturels. Son intervention, - dans le cadre du panel « Littérature et crises » qui a eu lieu le 22 septembre à l’Université de la Manouba et qui porte sur le sujet de sa thèse soutenue en décembre 2021 à l’Inalco, s’est attardée sur l’impact du pouvoir politique sur la corporéité humaine dans la production romanesque arabe contemporaine. Elle s'est efforcée de démontrer comment les romanciers arabes contemporains investissent le corps dans l’objectif de dénoncer les fondements des idéologies dominantes et de mettre en question les prérogatives du pouvoir politique dans le monde arabe. L’écriture de l’impact du pouvoir sur le corps était analysée dans une optique de problématisation de l’individualité et de l’appartenance dans un pays régi par un régime dictatorial où le corps, unité chargée de sentiments et de valeurs, se transforme, sous l’effet de l’assujettissement et de la manipulation, en un corps indifférencié, déshumanisé et dépossédé de son identité. Sobhi Boustani, professeur émérite à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) et ancien directeur du Centre de Recherches Moyen-Orient Méditerranée (CERMOM), lui a fait l’honneur d’assister à ce panel et de l’animer par un débat basé sur le paradoxe qu’établit l'abondance de la production littéraire et artistique en temps de crises sociopolitiques qui, au lieu d’influencer négativement le mouvement culturel dans le monde arabe, ne fait qu’être un terrain fertile à la créativité.

Plusieurs chercheurs de l’INALCO et membres du CERMOM ont participé à cet événement notamment Michel Bozdémir, professeur émérite de langue et civilisation turques, qui est intervenu autour de la problématique de traduction des textes « sacrés » dans le monde turcophone ; Julie Duvigneau, membre associée du CERMOM, maître de conférences en littérature persane contemporaine, qui a présenté ses travaux de recherche sur les récits de voyages vers le monde arabe dans la littérature persane contemporaine ; Augustin Jomier, maître de conférence en histoire moderne et contemporaine du Maghreb, qui a participé dans le cadre d’une table-ronde organisée autour de la question du développement du numérique dans le secteur des sciences humaines et sociales et deux ATER de l'INALCO ; Sarra Zaïed qui est intervenue autour des pratiques langagières des femmes du sud tunisien et Laura Monfleur qui a fait deux interventions, la première s'attarde sur les performances autoritaires et contestataires dans les espaces publics au Caire durant le référendum de 2019 et la deuxième vise à soulever les enjeux de la recherche doctorale en contexte de crise multidimensionnelle. 

À l’occasion de cet événement scientifique de grand envergure, - auquel Alma a pu participer grâce au support financier du CERMOM, dont elle remercie la direction pour les encouragements et le soutien qu’elle lui a accordé pour participer à ce Forum - plus de mille trois cents chercheurs, universitaires et artistes de trente-cinq pays du Maghreb, du Moyen-Orient, d’Europe, d’Afrique et d’ailleurs ont discuté des réflexions, présenté des travaux de recherches, vu des productions cinématographiques et artistiques contemporaines qui font germer des réflexions et des projets dans le futur.

Pendant la session de clôture, le « prix des savoirs partagés » a été décerné aux professeurs Muhamed Slaheddine Chérif et Hammadi Redissi et le « prix Insaniyyat » octroyé aux professeures Jocelyne Dakhlia et Olga Lizzini. Alma Abou Fakher a assisté, lors de la même session, à une cérémonie qui a été organisée au Palais du Baron d’Erlanger à Sidi Bou Saïd, en présence du ministre des Affaires culturelles, du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique et de la cheffe du gouvernement tunisien qui a salué, lors de son allocution, l’ambition, la richesse et la densité de Forum Insaniyyat pour exprimer l’engagement des instances étatiques dans cet événement international. Un spectacle de malouf a été présenté juste après par la troupe du Théâtre de l’Opéra. Pour terminer, ce Forum de dimension internationale a constitué un espace de dialogue scientifique, culturel et artistique qui permet la compréhension et le décryptages des dérégulations qu’a connu le monde arabe depuis les deux dernières décennies.