Axe 6 - Penser et traduire les littératures

Responsable : Marie Vrinat-Nikolov

L’axe 6 « Penser et traduire les littératures » est un axe disciplinaire et transaréal, qui problématise  le fait  littéraire en l'envisageant sous plusieurs approches - sur la longue durée ou dans sa contemporanéité, dans une perspective transnationale ou régionale :

  1. une approche comparative transnationale par la traduction (dans ses visées théorique, critique, historique et pratique) qui est au cœur des phénomènes de transferts et de circulations littéraires (projet 6.1 qui prolonge les travaux menés en 2014-2018) ;
  2. le questionnement de l'historiographie littéraire et les enjeux de renouvellement qui s'offrent tout particulièrement lorsqu'on étudie des littératures « mineures » ou « périphériques » (projet 6.2 qui prolonge, lui aussi, les travaux menés en 2014-2018) : enjeux de périodisation, de désacralisation/déconstruction des canons nationaux dans une perspective décentrée, régionale ou transnationale, interrogation de catégories occidentales plaquées sur d'autres histoires littéraires, intérêt aux marges des canons (langues ignorées, femmes écrivaines,  etc.) .
  3. des approches régionales/nationales (projet 6.3) axées sur la modernité et la contemporanéité, des genres particuliers (théâtre, roman policier).

L’axe s’appuie sur le groupe PALM (Penser Autrement les Littératures du Monde) qui fédère depuis plusieurs années les enseignants-chercheurs en littérature de l’Inalco et a noué de nombreux contacts avec des chercheurs d’autres centres de recherches de l’Inalco (CERLOM, CERMOM, LACNAD) ou extérieurs, nationaux et internationaux.

Des synergies pourront se présenter avec l'axe 1 « Patrimoines et héritages » (projets 1.1 et 1.3), l'axe 4 « Identités en mouvement » (projet 4.3).

Projets :

  • 6.1. Traduire les littératures : théorie, critique, histoire et pratique (Pauline Fournier, Marie Vrinat-Nikolov)
  • 6.2. Penser autrement l’histoire littéraire : les mythes nationaux, les canons et les minores revisités au XXIe siècle (Piotr Bilos, Catherine Géry, Marie Vrinat-Nikolov)
  • 6.3. L’évolution contemporaine du roman policier après 1989 (Piotr Bilos)

6.1. Traduire les littératures : théorie, critique, histoire et pratique

Responsables : Pauline Fournier, Marie Vrinat-Nikolov

La réflexion menée sur la théorie, la critique, l'histoire et la pratique de la traduction est fondamentale pour un établissement comme l'INALCO, riche de ses 101 langues et littératures du monde, qui demeurent pour la plupart encore méconnues ou ignorées des chercheurs. Elle s'accompagne de la formation des étudiants et d'actions auprès du grand public (participation à des lectures, rencontres, tables rondes, festivals, etc.). Nous entendons donc la poursuivre en 2019-2024 en la déclinant en deux volets :

6.1.1 Comment fonder et penser une critique de la traduction ?

Responsables : Marie Vrinat-Nikolov (CREE), et Alexis Nouss (AMU/ Chaire Exil et migration de la FMSH)

Notre projet a l'ambition d'établir non seulement un dispositif critique applicable à l’activité traductive, mais aussi une théorie du savoir fondée par la traduction : une « raison traductionnelle » (Alexis Nouss) qui puisse être un « modèle » critique. Il s'appuie sur :

Un constat paraxoxal : alors que la France est le pays occidental qui publie le plus grand nombre de traductions, malgré la multiplication des émissions, ouvrages, colloques, actions de formation sur la traduction, il n'y a pas actuellement de véritable critique de la traduction. Or, sans pensée critique, il n'est pas de pensée théorique, sans pensée théorique, il n'est pas de pratique qui vaille.

Une conviction : il y a urgence, pour nos sociétés, à considérer autrement identité et altérité aujourd'hui, dans nos sociétés mondialisées qui doivent faire face à la radicalisation et aux replis identitaires ; il y a donc nécessité et urgence de renouveler la pensée critique de la traduction dans une direction dialogique et de travail de l’altérité. Nous nous intéresserons donc aux implications philosophiques et politiques de la traduction.

Chercheurs associés au projet : Arnaud Bikard (CREE, CERMOM), Mourad Yelles (LACNAD), Tiphaine Samoyault (Paris-III, Sorbonne-nouvelle), Arno Renken (Haute École des arts de Berne, Suisse), Claire Placial (Université de Lorraine), Lambert Barthélémy (Université de Poitiers).

Principales collaborations : Aix-Marseille Université

Opérations de recherche et de valorisation envisagées :
Un séminaire doctoral INALCO/Aix/Paris-III (5 séances par année) alliant « atelier de réflexion » et formation à la recherche. des chercheurs reconnus (Barbarin Cassin, Martin Tueff, Camille de Tolédo et autres) seront invités à ce séminaire.
Publications collectives et enregistrement vidéo des séances publiés sur le carnet critiquetrad.hypotheses.org

Conférences, participations à des séminaires, colloques, journées d'étude, salons du livre et festivals littéraires 

Mots clés : critique, critique de la traduction, philosophie de la traduction, politique de la traduction, altérité.

6.1.2. Circulation et métissages des genres et des formes par la traduction

Responsables : Marie Vrinat-Nikolov (CREE), Timour Muhidine (CERMOM), Mourad Yelles (LACNAD), Etienne Naveau (CERLOM).

L'un des apports majeurs de l'histoire culturelle et de l'étude des Transferts culturels à la réflexion sur les circulations littéraires est d'inviter non plus à penser en termes «d'influences » exercées par des cultures réputées « centrales » (occidentales) sur des cultures considérées comme « périphériques », ni en termes « d'identités nationales » plus ou moins stables et fermées, mais à considérer les aires culturelles comme des lieux de passage ouverts aux dynamiques et aux contacts transnationaux. Si les notions de « centre » et de « périphéries » fonctionnent lorsqu'il s'agit d'observer les luttes pour acquérir légitimité et consécration au sein du champ littéraire mondial, elle est à relativiser lorsqu'on s'intéresse aux dynamiques des circulations et des échanges entre acteurs, idées et textes, qui se font dans des directions multiples.

L'objectif des recherches impliquées par cet axe est donc triple :

  1. On tentera une « cartographie » spatiale et temporelle des textes qui ont circulé par la traduction dans le monde, notamment les « grands textes voyageurs » qui sont souvent, aussi, les « grands textes fondateurs » convoqués dans la construction des nations ou appelés à jouer un rôle de premier plan dans l’émergence ou l’enrichissement des corpus des littératures « nationales ».
  2. On s'intéressera aux phénomènes de transformations/réappropriations/émancipation/métissages par la traduction, puisque, on le sait, « transférer, ce n'est pas transporter, mais plutôt métamorphoser (M. Espagne) ».
  3. On n'oubliera pas l'importance des médiateurs culturels : traducteurs ou écrivains-traducteurs, éditeurs, enseignants, mécènes, etc.

Que l’on pense à la traduction des Mille et une Nuits, Kalila et Dimna, les Maqamât, La Vie d'Alexandre, au Moyen Age, mais aussi, plus tard, à celles des Aventures de Télémaque, Paul et Virginie, L’Avare, Le Petit Prince, L'Odyssée, etc., on a chaque fois affaire à des exemples de configurations formelles (littéraires) et imaginaires (en lien avec des représentations collectives) qui ont exercé un effet d’attraction, voire de mimétisme tout à fait remarquable.

Répondant ainsi à des propositions intellectuelles et artistiques impliquant des postures relevant de phénomène de métissage culturel, à différentes époques et en différents lieux, des élites « nationales » (ou plutôt « locales » car nous aborderons souvent le cas d'époques pré-nationales) souvent inscrites dans des circuits et réseaux « transnationaux » ont ainsi pu sensibiliser des publics très différents à des problématiques, à des genres et à des formes jusque-là inconnues.

Chercheurs associés au projet : Arnaud Bikard (CREE, CERMOM), Antoine Chalvin (CREE, littératures estonienne et finnoise), James Theeraphong (CERLOM, littérature siamoise), Etienne Naveau (CERLOM, littérature indonésienne), Jovanka Šotolova (Université Charles de Prague), Marzena Chrobak (Université Jagellonne, Cracovie), Ildiko Jozan (ELTE, Budapest), Sherry Simon (Université Concordia, Montréal), Katarina Bednarova (Université de Bratislava), Nike Pokorn (University of Ljubljana), Eriona Tartari (Institut national de la recherche, Tirana).

Opérations de recherche envisagées :

  • Un séminaire de master
  • Un colloque
  • Une journée d'étude 

Mots clés : transferts culturels par la traduction, histoire de la traduction, médiation par la traduction, métissage culturel, cartographie de textes voyageurs

6.2. Penser autrement l’histoire littéraire : les mythes nationaux, les canons et les minores revisités au XXIe siècle

Responsables : Piotr Bilos (CREE), Catherine Géry (CREE), Marie Vrinat-Nikolov (CREE).

Ce projet réunit des chercheurs désireux de participer au renouvellement de l’historiographie littéraire initié dans les dernières décennies du XXe siècle dans une perspective transnationale et transdisciplinaire, afin d’élaborer la méthodologie d’une histoire des littératures reposant sur une autre périodisation que la chronologie historique, une histoire des littératures qui ne pratique ni l’hagiographie (les grands auteurs), ni l’anthologie (les grandes œuvres), une histoire des littératures qui se positionne contre le déterminisme du Grand Récit (national ou autre), une histoire des littératures susceptible d’interroger les œuvres, événements, acteurs rejetés hors du canon, minorés et oubliés ou, à l’inverse, sanctifiés et mythifiés par les diverses institutions littéraires. Une histoire des littératures qui analyse les processus de commémoration, de périodisation, de hiérarchisation des phénomènes littéraires, qui évalue la place et la fonction des médiateurs (éditeurs, critiques, universitaires, enseignants… mais aussi librairies et bibliothèques) dans la transmission des textes. Une histoire des littératures attentive non seulement à l’historicité, mais aussi à la socialité, aux institutionnalisations et aux circulations. Une histoire des littératures horizontale (les transferts et le dialogue des œuvres entre elles) et non plus verticale (les « influences » ou le désir de renouvellement des formes théorisé par les formalistes russes par exemple).

Dans plusieurs des cultures dites « orientales »  étudiées à l'Inalco, des chercheurs et des universitaires mettent déjà en cause, dans leurs cours, leurs séminaires ou leurs travaux scientifiques, certains aspects du canon littéraire et des mythes nationaux, tentent de donner aux femmes écrivaines la place qui leur revient et qui, jusqu’à présent, ne leur a pas été reconnue, de définir la place des littératures « migrantes » (diaspora, exil) au sein du canon national, de proposer un autre rapport entre le thématique et le chronologique, de montrer l’importance du contexte et du co-texte. Enfin et surtout, ils soumettent à une évaluation constante le concept de « littérature nationale » à l’aide de différents paramètres (le métissage et l’hybridation, les tensions individuel/collectif, identité/altérité, les rapports dominant/dominé ou majeur/mineur). Depuis 2013, un séminaire transversal et disciplinaire de Master intitulé « Ecrire/réécrire les histoires littéraires “nationales” »  réunit une partie de ces chercheurs en littérature de l’Inalco, complété, depuis 2017, par un séminaire doctoral.

Chercheurs associés : Antoine Chalvin (CREE, littérature finlandaise et des pays baltes), Françoise Robin (ASIES, littérature tibétaine), Pauline Fournier (CREE, littérature slovène), Cécile Folschweiller (CREE, littérature roumaine), Etienne Naveau (CERLOM, littérature indonésienne), Timour Muhidine (CERMOM, littérature turque), Mourad Yelles (LACNAD, littératures maghrébines), Alexandre Prstojevic (CERLOM, littératures serbe et croate), Julie Duvigneau (CERLOM, littérature persane), Iryna Dmytrychyn (CREE, littérature ukrainienne), Catherine Servant (CREE, littérature tchèque), Philippe Benoît (CERLOM, littératures d'Inde), Eun-Jin Jeong (CERLOM, littérature coréenne), Galin Tihanov (Queen Mary's University of London), Dessislava Lilova (Université Saint-Clément d'Ohrid, Sofia), Eriona Tartari (National Research Institutes of Linguistics and Literature, Tirana), Gun-Britt Kohler, département de slavistique, université d'Oldenburg), Pavel Navumenka (université de Minsk), Elena Gueorguieva (doctorante CREE), Thibault Deleixhe (doctorant CREE).

Opérations de recherche envisagées :

  • Un séminaire de master 1 et 2 (déjà existant)
  • Un séminaire doctoral (déjà existant)/enseignant-chercheur/emmanuel-demadre
  • Plusieurs participations à des séminaires, colloques et journées d'études internationaux et à des ouvrages
  • Un numéro de la revue Slovo coordonné par Marie Vrinat-Nikolov 

Mots clefs : historiographie littéraire, littératures orientales, littératures nationales, transferts, canon littéraire, littératures migrantes, littératures mineures, littérature-monde

6.3. L’évolution contemporaine du roman policier après 1989

Responsable : Piotr Bilos (CREE)

Roman policier, polars, roman noir, d’espionnage, thriller, mais aussi « Detective story » et « crime story », la littérature de genre dédiée aux affaires criminelles suscite des complexités terminologiques (comme le prouve la typologie élaborée par T. Todorov).
Ce qui définirait les « fictions policières » serait donc leur « objet », l’activité criminelle sous toutes ses formes , laquelle entraîne une réaction de la part des forces de l’ordre (les policiers) : le meurtre, mais aussi le crime organisé ou non, les vols, les fraudes, les détournements de fonds, les enlèvements, les empoisonnements... Mais Todorov l’a bien montré : l’objet (la fable) est indissociable du « sujet » (selon les formalistes), de la façon de le raconter. Or aujourd’hui, le « sujet » se fait de plus en plus divers, ce que renforce la démultiplication des médias, à commencer par le cinéma ou les séries TV.

Un autre aspect crucial est le registre : le roman policier n’appartient-il qu’à la littérature populaire ? Quid de la valeur littéraire indéniable de certains ouvrages ? A l’inverse, des ouvrages relevant de ce qu’on appelle la « grande » littérature, les tragiques grecs, Shakespeare, Dostoïevski, Racine, Mickiewicz, mais aussi le conte du « chaperon rouge » ou la Bible font appel au motif du crime. Julian Symons affirme que le lecteur n’aura pas de mal à dissocier ceux où le crime est la donnée majeure de ceux où il est secondaire. Mais est-ce bien vrai ? Porter ou Caillois ont recours à la catégorie du « mythe » et du « sacré » qu’ils opposent au pur plaisir, avant tout cognitif, suscité par la résolution des énigmes policières. Cela dit, de nombreux romans policiers explorent la dimension psychologique et morale de l’existence humaine.

Qu’en est-il du rapport du roman policier à la question du réalisme ? On entend dire de plus en plus que le roman policier vise à représenter le fonctionnement d’une société, ses « faces sombres », bref – que les auteurs de polars sont les meilleurs « peintres de la vie moderne » contemporaine. Barzun, Taylor ou John Caweltie ont toutefois montré que la construction de l’intrigue des romans policiers s’inspire de schémas narratifs transculturels tandis que les personnages ont partie liée avec des « types » qui peuplent nos imaginaires.

En Pologne, l’ouvrage pionnier datant de 1932 de Stanisław Baczyński, Powieść kryminalna, soit « Le Roman criminel », a imposé l’utilisation de ce terme. Depuis la sortie du pays de la zone d’influence soviétique, le roman policier et le polar y sont devenus un phénomène très expansif. Parmi ses promoteurs on trouve aussi des poètes (Jarosław Klejnocki, Marcin Świetlicki) et des chercheurs en littérature (Marek Krajewski, Mariusz Czubaj, Zbigniew Białas).

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à « pratiquer ce genre », et cela concerne tout autant des écrivaines qui en ont fait leur spécialité (ainsi Katarzyna Bonda, Marta Guzowska, Magdalena Parys, Joanna Jodełka, Marta Mizuro, Gaja Grzegorzewska, Nadia Szagdaj, Anna Fryczkowska) que des écrivaines déjà reconnues en tant qu’écrivaines « tout court » comme Olga Tokarczuk ou Joanna Bator. Que nous proposent ces « noires Polonaises » ?

Ces évolutions récentes du genre invitent à repenser ses traits définitoires et à replacer ceux-ci dans une perspective d’ensemble permettant de les situer par rapport aux modèles traditionnels.

Chercheurs associés au projet : Bernadetta Darska, Université de Varmie-Mazurie d’Olsztyn,  Barbara Łagiewska, Académie Jan Długosz de Częstochowa, Anna Wróblewska, Université de Silésie, Rafał Szczerbakiewicz, Université UMS de Lublin, Maria Berkan-Jabłońska, Université de Łódź, Małgorzata Domagalska, Université de Łódź, Marta Tomczok, Université de Silésie, Marion François, Grenoble, Michela Toppano (Aix Marseille Univ, CAER, Aix-en-Provence, Alessio Berré (Université d’Avignon/CRIX Paris Ouest), Dror Mishani (Université de Tel Aviv)

Principales collaborations : Institut culturel polonais à Paris et d’Europe centrale (tchèque, hongrois, autrichien), Paris-PAN

Opérations de recherche envisagées :

  • Un colloque international
  • Organisation de tables rondes en collaboration avec les instituts culturels des pays d’Europe centrale
  • Création d’un site internet 

Mots-clefs : Thématique interdisciplinaire et transnationale, « roman policier », contemporanéité, culture populaire et culture élitaire, changement de paradigme, femmes-écrivains, multiculturalisme, métissage, minorités, réalisme, société, genres littéraires.