Le turc, langue d’Eurasie

Les langues turciques, loin d’être des langues « rares », sont classées en 12e rang mondial avec près de 200 millions de locuteurs vivant sur un espace étendu des Balkans jusqu’à la Chine occidentale en passant par le Moyen-Orient et les cinq Républiques turcophones issues de l’ex-Union soviétique de l’Asie centrale (Azerbaïdjan, Turkménistan, Ouzbékistan, Kirghizistan, Kazakhstan, et, la petite République de Chypre du nord).
Istanbul, Turquie.
Istanbul, Turquie. © DR‎

Au cœur de la turcophonie se place, bien évidemment, le turc de Turquie d’abord avec sa population, actuellement 83 millions, estimée à près de 100 millions à l’horizon de 2030, soit la moitié des locuteurs de langues turciques. Il y a aussi l’essor économique de la Turquie pendant ces dernières décennies qui la place parmi les 20 grandes économies du monde. On sait sa place géographique au milieu des trois continents qui fait d’elle un pont entre l’Occident et l’Orient, le Nord et le Sud, ainsi que des cultures multiples des Balkans au Moyen-Orient. Ce dossier consacré au monde turcique, va englober toutes ces dimensions, mais on abordera dans cette note quelques grandes caractéristiques du turc contemporain.
 

Carte de la turcophonie.
Carte de la turcophonie. © DR‎

  
 
La langue turque
 
Le turc (Türkçe), faisant partie du groupe oghouz de la grande famille altaïque porte toutes les particularités typologiques de sa famille linguistique : le caractère agglutinant grâce à la suffixation (la déclinaison des noms et la conjugaison des verbes parfaitement ordonnées), l’harmonie vocalique (les voyelles se succèdent selon un ordre précis), l’absence de genre (ni masculin, ni féminin, ni neutre), l’ordre des mots SOV (sujet-objet-verbe) est régulier, sauf dans la littérature, surtout la poésie et le langage quotidien. Le turc dispose d’un système casuel, à l’instar du latin, avec cinq cas du nom : directif, ablatif, locatif, génitif et accusatif.

Sur le plan lexical, le turc se démarque, tout au long de son histoire, par sa perméabilité aux emprunts à d’autres langues ; depuis l’islamisation à partir du XIe siècle, il a surtout emprunté à l’arabe, au persan, puis aux XIXe et XXe siècles au français et dernièrement à l’anglais.
 

Alphabet
 
Après avoir utilisé les caractères arabes depuis le XIe siècle, les Turcs ont adopté en 1928 l’alphabet latin, proche de celui du français, avec 29 lettres dont 8 voyelles. C’est un alphabet phonétique, toute lettre est toujours prononcée et ne change jamais de prononciation. Il n’existe pas de diphtongaison, ni de nasalisation. Il n’y a pas de sons gutturaux. Pas de groupement de consonnes, ni de voyelles. En règle général, les lettres se succèdent en suivant le rythme d’une voyelle, une consonne. Moins souvent, on peut trouver des voyelles côte à côte dans les mots d’origine étrangère, la plupart empruntés à l’arabe : saat (l’heure, la montre), fiil (verbe, action), etc.
 
 
Historique de la spécialité turque à l’Inalco
 
L’enseignement du turc en France a une histoire de plusieurs siècles. Le turc est une des langues fondatrices d’une école des langues orientales dès le XIIe siècle, ancêtre de l'Inalco et de l’orientalisme français. C’est Colbert qui créa en 1669 « l’École des jeunes de langue » pour enseigner le turc, l’arabe et le persan aux petits Français envoyés à Istanbul dans cette école installée au sein de l’Ambassade de France du nom des « Jeunes de langues » (Dil Oğlanları) destinée à former des interprètes pour servir le commerce et la diplomatie. Ce qui donna lieu à une longue lignée de drogmans au service des chancelleries des États européens. Drogman (interprète) est dérivé du mot arabe, « tercüman » passé en turc, puis en français pour donner « truchement ». Le turc est enseigné en France sans discontinuer depuis 1795.
 
La spécialité « turc » à l’Inalco propose une formation principale initiale et continue avec une ouverture au monde turcophone par l’offre d’enseignements des langues turciques. Les titulaires d’un baccalauréat français ou d’un diplôme équivalent et les non bacheliers après éventuellement un test de français et un examen de la commission pédagogique, peuvent y accéder. L'offre de formation s'adresse aux étudiants francophones et turcophones, ainsi qu'aux étudiants internationaux.
 
A partir de la deuxième année de la licence, il est possible de se spécialiser en choisissant une des filières professionnelles : Didactique des langues, Commerce international, Relations internationales, Communication et formation interculturelles.
 
L’offre pédagogique, prolongée jusqu’aux master et doctorat, s’adresse à un public diversifié et tient compte des besoins des jeunes bacheliers ou retraités, en passant par des professionnels qui cherchent à s’initier à la langue et civilisation turques.
 
La section Langues, littératures et civilisations étrangères et régionales (LLCER) spécialité « turc » vise à donner aux étudiants une compétence de communication écrite et orale à l’échelle du monde turcophone, afin de leur permettre l’accès à la vie active ou à l’enseignement et à la recherche.
 
L’offre pédagogique, en plus d’une maîtrise linguistique, insiste sur la littérature, l’histoire, la culture et la société contemporaines. Sa visée est de permettre l’accès aux carrières de la fonction publique, du commerce et de l’industrie, entre autres possibilités. Elle prépare les étudiants à la traduction de textes et documents de plus en plus spécialisés en vue du master.
 
Les relations de la Turquie avec les pays de l’Union européenne, de même que le dynamisme commercial de la Turquie en Asie Centrale, au Moyen-Orient et en Afrique, sont des éléments porteurs qui créent de nouveaux horizons. La licence de turc prépare les étudiants aux échanges économiques et commerciaux internationaux en développement (plus de 400 entreprises françaises sont installées en Turquie dont certaines depuis très longtemps, comme la régie Renault et autant d’entreprises turques en Asie Centrale).
 
 
LLCER spécialité « turc » prépare :
— aux emplois dans les entreprises commerciales, industrielles et tertiaires travaillant avec la Turquie et le monde turc,
— aux emplois de la fonction publique : notamment à ceux du Ministère des affaires étrangères, au concours du cadre d’Orient et de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA),
— à des carrières dans des organisations internationales (Union européenne, UNESCO, Conseil de l’Europe, OCDE, etc.),
— à la carrière d’enseignant dans l’enseignement secondaire (FLE) et universitaire. Le turc est présent comme une des dix langues de concours d’Orient au Quai d’Orsay.
 
 
 
Poursuite d’études
 
- au master 1, spécialités des masters offerts à l’Inalco,
- aux filières linguistiques (français langue étrangère -FLE, diversité des langues, traductologie, interprétariat),
- aux filières professionnelles (CPEI- Commerce international, HEI- Hautes études internationales).
 
 
LLCER spécialité « turc » de l’Inalco est le seul centre historique francilien offrant une formation complète, de l’initiation au doctorat (LMD).
Fidèle à sa tradition, l'Inalco est un des rares établissements en Europe à assurer une formation permettant d'accéder à l'ensemble du monde turcophone. En plus du turc de Turquie, l’azerbaïdjanais, le kazakh, le tatar, l’ouïghour et l’ouzbek y sont enseignées.
A ce titre, la formation est attractive, non seulement pour les étudiants français, mais également pour des étudiants européens qui peuvent trouver à l'Inalco une formation complète aux études menées dans leur pays d'origine.
 
 
Sibel Berk-Bozdémir          
Maître de conférences 
Linguistique et didactique du turc moderne
Département Eurasie 
Membre du laboratoire EA 4514 PLIDAM 
Inalco
 
 
Image de l'en-tête : Istanbul, Turquie. DR. 

Istanbul, Turquie.
Istanbul, Turquie. © DR‎