Yiddish

Découvrir la langue

Histoire et présent

Le yiddish, langue que ses principaux historiens font naître vers le 10e siècle dans ce qui est maintenant la Lorraine, a eu depuis une présence irrégulière sur le territoire de la France. Sa variante occidentale a été parlée sans discontinuer en Alsace jusqu’aux années 1970 ; l’orientale, venue avec les Juifs immigrés des régions slaves, a été importante à Paris, Strasbourg, Metz, Nancy, Orléans, Lille et d’autres villes entre la fin du 19e s. et les années 1980, et cela malgré la saignée du génocide
1941-1945 (Ses locuteurs étaient majoritaires parmi les plus de 70 000 Juifs de France morts en déportation). C’est en raison de cette présence en même temps ancienne et récente que le yiddish a été classé en 1999 parmi les langues de France dépourvues de territoire.
Sur l’ensemble de l’Europe, on a parlé, écrit et imprimé en yiddish entre le 16e et le 20e siècles sur un vaste territoire allant des Pays-Bas aux Carpates, avec des centres particulièrement importants en Pologne, Ukraine, Lituanie et Roumanie. Les vagues migratoires des 19e et 20e siècles l’ont porté aux quatre coins du monde, notamment aux Amériques, en Europe occidentale et en Palestine/Israël. Du fait du génocide mais aussi à cause de processus d’acculturation naturels ou forcés dans différents pays, le nombre de ses locuteurs est passé de plus de 10 millions en 1939 à environ un million de nos jours. C’est donc une langue affaiblie, mais toujours vivace dans ses enclaves en Amérique du Nord, Europe occidentale, Israël, Argentine, Mexique et même dans certains endroits de ses régions d’origine en Europe orientale.

Patrimoine culturel

La littérature en langue yiddish est vieille d’au moins 600 ans. Pendant des siècles, en symbiose avec l’hébreu, elle a servi tantôt à la vulgarisation de la culture religieuse, tantôt à la pénétration discrète de certains éléments des cultures non-juives parmi les couches populaires.
Depuis le début du 19e s. elle devient le vecteur d’un puissant mouvement de sécularisation, s’ouvre aux nouvelles idées politiques et sociales et atteint vite un développement comparable à celui de littératures européennes mieux établies. Théâtre et presse connaissent un essor remarquable tant dans le berceau européen que dans les terres d’immigration. Ils existent toujours, mais leur importance est sans commune mesure avec celle du passé. Entre les deux guerres mondiales, des réseaux d’écoles yiddish laïques fonctionnent en Pologne, Lituanie et Roumanie, ainsi qu’aux Amériques, où quelques établissements subsistent jusqu’au présent.
Le nombre de titres publiés à ce jour en yiddish tourne autour de 30 000, comprenant la fiction, la poésie, le théâtre, l’essai et des ouvrages d’histoire, philologie, ethnographie, etc.. Les quotidiens et périodiques publiés par le passé partout dans le monde (un petit nombre l’est toujours) se comptent par centaines. Les imbrications sont nombreuses entre la culture yiddish et plusieurs aspects majeurs de l’évolution culturelle moderne : avant-gardes dans les arts plastiques des années 1920-1930, musique de jazz, cinéma. L’essor actuel, en France et ailleurs, de la musique dite klezmer et du chant yiddish, témoigne d’une présence vivace et féconde de l’héritage folklorique et poétique de la langue dans tout le monde occidental. Le colloque international tenu à l’Unesco en novembre 2012 sous le titre « Permanence du yiddish » a bien reflété cette richesse ancienne et sa façon d’irriguer le présent.

Étudier le yiddish

Dans le monde

Pionniers de l’enseignement et de la recherche dans le domaine yiddish, les Etats-Unis comptent actuellement une bonne dizaine d’universités où ces études ont une place conséquente : Columbia, New York University et Bart College (New York), Los Angeles, Berkeley et Stanford (Californie), Ann Arbor (Michigan), etc. Ailleurs aux Amériques il y a du yiddish aux universités à Montréal, à Toronto et à Buenos-Aires. En Israël ces études se font aux universités de Jérusalem, Tel Aviv et Beer- Sheva ; en Allemagne, à Trèves, Düsseldorf et Heidelberg ; en Angleterre, au UCL (Londres) ; en Russie, aux universités de Moscou et Saint-Petersbourg ; en Pologne, à celles de Varsovie et Cracovie. Des enseignements existent aussi aux Pays-Bas, en Belgique, Lituanie, Italie, Espagne, Suède et Danemark. Colloques internationales et publications universitaires nombreuses montrent régulièrement la vitalité de la recherche dans cette aire.

En France

A l’université Paris 4-Sorbonne le yiddish est enseigné dans le cadre des études germaniques. C’est le cas aussi de l’enseignement, bien plus modeste, existant à Paris 8. Cas exceptionnel en Europe, une institution non universitaire, la Maison de la Culture Yiddish - Bibliothèque Medem (Paris) assure un rôle de première importance dans l’enseignement et dans la recherche lexicographique.
 

Les formations

Réalité et particularité
Le yiddish est enseigné à l’Inalco dans le cadre du Département d’Études hébraïques et juives. Les débuts remontent aux années 1930.  L’enseignement comprend trois niveaux, (disponibles aussi au CNED), proposés dans le cadre des options de la licence d’hébreu auxquels s’ajoute une UE de civilisation obligatoire en licence 1. Le yiddish partage un séminaire transversal (avec les autres langues juives) en master. Bien que les trois niveaux soient nominalement de langue, ils comprennent en réalité des pans entiers de civilisation : histoire, folklore et littérature.
En 2012-2013 l’effectif est d’environ 35 étudiants sur les 3 niveaux (CNED inclus), mais il faut signaler l’imprécision des statistiques, notamment en ce qui concerne les inscriptions en passeport Langues O.
Deux certificats bilingues existent comme diplômes d’établissement : yiddish/hébreu et yiddish/polonais.
Dans le cadre du PRES, des certificats yiddish/allemand (et judéo-espagnol/espagnol) ont été dessinés avec Paris 3 et entérinés par cette université mais pas (encore) par l’Inalco. Ils permettent une ouverture vers d’autres publics.
En ce qui concerne l’enseignement du yiddish, l’Inalco constitue un cas unique en Europe, en ce qu’il réunit sous le toit des études hébraïques et juives les trois judéo-langues vivantes, ce qui donne aux étudiants (et aussi aux enseignants-chercheurs) une vision très complète des acquis et enjeux de l’interlinguistique juive. À cela s’ajoute l’interaction avec les études slaves (polonais, russe, ukrainien) menées dans le même établissement.

Débouchés et utilité

Parmi les personnes ayant acquis l’essentiel de leur formation yiddish à l’Inalco depuis 1994, cinq au moins ont trouvé du travail rémunéré dans le domaine de la culture yiddish en France. C’est le cas des deux bibliothécaires de la Maison de la Culture Yiddish - Bibliothèque  Medem  (Paris),  dont  l’une  a  aussi  fait  dans  notre  Institut  des  études dans  les départements de polonais et de russe. La même personne est actuellement lectrice de yiddish à Paris 4- Sorbonne, a publié des travaux de recherche en littérature yiddish et enseigné dans des universités et centres  culturels  de  l’étranger. Trois  autres  sont  également engagées dans  l’enseignement de  la langue ; trois ont écrit des thèses doctorales où la littérature yiddish fait partie du sujet ; une participe en tant que yiddishisante dans une équipe de recherche en histoire à l’EHESS. Quatre des cinq travaillent occasionnellement à la traduction de livres et au déchiffrage de documents yiddish, activités où l’on registre une demande croissante. Par ailleurs, la formation en yiddish à l’Inalco a sans doute rendu plus attrayant le CV d’autres anciens étudiants ayant trouvé du travail temporaire à des institutions comme le Mémorial de la Shoah ou le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme.
Deux ouvrages lexicographiques publiés avec le soutien matériel ou au moins moral de l’Inalco prouvent la vivacité de la demande et l’importance de notre Institut dans ce domaine particulier.
Il s’agit du Dictionnaire de mots d’origine hébraïque et araméenne en usage dans la langue yiddish (1997, 2e  édition augmentée 2012), diffusé à ce jour dans le monde entier à plus de 2500 exemplaires, et du Dictionnaire yiddish-français (2002, réimprimé 2012), dont quelque 3000 exemplaires ont été écoulés dans tout le monde francophone et au-delà. Le dernier ouvrage vient d’être adapté à l’anglais (Comprehensive Yiddish-English Dictionnary, Indiana University Press 2013).

(Synthèse établie le 08/07/2013 par I. Niborski, MdC)