Journée d'études « Le théâtre juif : un objet anthropologique ? », le 28 juin

5 septembre 2022
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Cette journée d’étude vise à étudier, dans une perspective anthropologique, le théâtre juif dans toutes ses formes d’expression, langagières et esthétiques à la fois. Pour clôturer la journée, la compagnie théâtrale "La Citadelle dystopique" présentera une mise en voix de textes de théâtre juif.
Théâtre, scène
Théâtre, scène © Michael Kauer/Pixabay‎
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Manifestation scientifique organisée par les centres de recherche de l'Inalco PLIDAM - Pluralité des Langues et des Identités : Didactique, Acquisition, Médiations et CERMOM - Centre de Recherches Moyen-Orient Méditerranée et soutenue par l’École doctorale 265 Langues, littératures et sociétés du monde (Inalco).

Mardi 28 juin 2022 - 9h30-18h00 - Maison de la recherche - Salon Suzanne Borel
Inalco, 2, rue de Lille - 75007 Paris

Le théâtre juif : un objet anthropologique ?

Jewish Theatre as an Object of Anthropological Study

Organisation : Alexandru Bumbas (PLIDAM) et Anamarija Vargovic (CERMOM)

Depuis des siècles, le théâtre (dans toutes ses déclinaisons esthétiques) s’affirme comme une forme d’expression culturelle, à la fois en Occident et en Orient. Dans le monde dit « occidental », le théâtre est présent, malgré les méfiances (voire proscriptions) d’ordre philosophique (Platon, République III, 394 et X, 604-6) et théologique (Saint Augustin, Confessions, Livre III, 3), et la production théâtrale s’avère foisonnante. Le lien entre théâtre et société – mêlant haine et fascination – a fait émerger des champs de réflexions socio-anthropologiques divers. En 1956, Erving Goffman postulait « la mise en scène de la vie sociale », c’est-à-dire une théorie à travers laquelle il opérationnalisait la notion de théâtre au profit d’une interprétation de la vie humaine comme performance scénique et comme jeu d’acteur.

Au sein du judaïsme, le théâtre fait l’objet de prises de position contradictoires, et ce, sous le fond d’une pénurie de témoins textuels, de l’Antiquité jusqu’à la Renaissance italienne précisément. La condamnation du théâtre dans le judaïsme n’est attestée que tardivement, dans le Talmud de Jérusalem Avoda Zara (18b9, 16, 18), dans une baraïtha datant probablement des premiers siècles de l’ère chrétienne : « Nos maîtres ont enseigné : il est interdit d’aller au théâtre et au cirque car on y fait des sacrifices idolâtres : paroles de Rabbi Meïr. »

Nonobstant la tension suscitée par l’écart entre la pratique et la normativité quant à la performance théâtrale au sein du judaïsme, dès l’Antiquité, le théâtre est bien présent parmi les Juifs. Outre quelques mentions dans la Lettre d’Aristée, chez Philon et dans des inscriptions, nous savons qu’un dramaturge juif se trouvant en exil à Alexandrie écrit en grec, en 200 av. J.C., une pièce intitulée L’Exagôgué, dont seulement quelques fragments nous sont parvenus. La pièce, connue comme tragédie, reprend l’épisode de l’Exode biblique.

Des siècles plus tard – sans qu’aucune continuité ne puisse être affirmée – Yehuda Sommo, un érudit juif vivant à Mantoue, en pleine Renaissance italienne, écrit une première pièce de théâtre en hébreu (Éloquente comédie du mariage-farce), ainsi qu’un premier traité d’esthétique théâtrale (Quatre dialogues en matière de représentation théâtrale). Ce dernier, écrit en italien, constitue à la fois un « dialogue » polémique avec la Poétique d’Aristote et une réévaluation des origines du théâtre qui seraient, selon lui, bibliques et kabbalistiques. Chez Yehuda Sommo, la question du corps (et de ses potentiels scéniques) passe avant le texte théâtral (comme dramaturgie) et affirme ainsi une nouvelle histoire du théâtre reliée au judaïsme, d’autant plus que ces pièces sont d’inspiration biblique et talmudique.

L'influence juive-italienne sera déterminante pour la suite des développements dans l'écriture dramatique et les formes poétiques de la langue italienne conditionneront l’évolution de la métrique de la langue hébraïque. En même temps, fleurit l'intérêt pour la traduction en hébreu des œuvres poétiques diverses, parmi lesquelles l'écriture et la réécriture dramatiques. Un exemple de ce type de double influence peut être perçu chez des auteurs hollandais, comme David Franco Mendes, lequel a été influencé à la fois par Moshe Haïm Luzzatto, par le théâtre français et par l'oratorio viennois, au même moment où il réécrit le drame d'Athalie.

Dans tous ces cas, le rapport à la langue hébraïque reste fondamental, car la question – parfois implicite, quoique bien mise en exergue dans des écrits qui accompagnent la production littéraire (par exemple, le traité Leshon Limmudim de Moshe Haïm Luzzatto sur les lois de la poésie hébraïque) est de savoir si l'hébreu, en tant que langue, peut être aussi véhicule de littérature profane.

Au vu de ces témoins textuels et de ces auteurs qui font figure de fondateurs, comment penser le théâtre au sein du judaïsme ? Comme un objet anthropologique travaillant à la construction et à l’affirmation d’une judéité appréhendée selon son rapport au théâtre ? Autrement dit, est-ce que le théâtre peut être conçu comme un médium du sujet juif ? Est-il (aussi) un objet polémique suscitant une relecture de la Poétique d’Aristote à l’aune du postulat des origines hébraïques (et religieuses) du théâtre ? Y’a-t-il une pensée esthétique juive du théâtre décelable depuis Ézéchiel le Tragique, en prenant en compte les œuvres postérieures à lui (adaptations bibliques, Purimspiel, théâtre yiddish, théâtre judéo-espagnol, théâtre mémoriel, théâtre israélien contemporain, théâtre juif en langues non-hébraïques) ? Peut-on considérer le théâtre juif indépendamment de ses liens avec la Bible ? Sous quelles formes ? Qu’en est-il des sujets historiques et bibliques que l’on trouve chez la plupart des auteurs ?

Comité scientifique :
Frosa BOUCHEREAU-PEJOSKA – PR (PLIDAM)
Elisa CARANDINA – MCF (CERMOM)
Alessandro GUETTA – PR (CERMOM)
Zeljko JOVANOVIC – MCF (CERMOM)
Madalina VARTEJANU-JOUBERT – MCF/HDR (PLIDAM)