Les Personnages de Maurizio. Nouvelle de Phan Hồn Nhiên traduite du vietnamien par Doan Cam Thi

Née en 1972, Phan Hồn Nhiên est diplômée de l’Ecole supérieure du cinéma et du théâtre du Vietnam. Figure emblématique de la nouvelle génération d'auteurs, elle vit à Saigon. Son roman Cheval d’acier, traduit par Doan Cam Thi, est paru dans la collection « Littérature vietnamienne contemporaine », Riveneuve Editions, 2015.
Phan Hon Nhien. Auteure vietnamienne.
Phan Hon Nhien. Auteure vietnamienne. © DR‎

Phan Hon Nhien
 
Les Personnages de Maurizio
(Nouvelle)
 
 
Au bout de la rue qui mène au centre s’élève un tourbillon de fumée légère. Lorsque celui-ci prend la forme d’un champignon suspendu au milieu d’un ciel blanc et froid, et que retentit la sirène des pompiers, l’incendie devient évidence. L’événement laisse indifférente la jeune femme qui court. Sa respiration reste régulière. Sous son regard, la fumée se fond dans le paysage et rien ne laisse présager la fin du sinistre. Soudain, dans le virage apparaît un chien esquimau aux yeux d’un bleu éclatant sur sa face énorme. Un homme suit à la hâte l’animal qu’il tient avec fermeté en laisse. Quelques instants, l’homme et la bête formeraient un groupe de personnages improvisés dans un décor préfigurant la scène tragique d’un film. La jeune femme accélère soudain. En un instant à peine, elle rejoint puis dépasse le grand chien et son maître. Elle accélère encore, rompant son rythme matinal habituel.
 
L’incendie s’est déclaré dans l’ancien quartier du centre : une maison en briques à deux étages, réputée être le restaurant italien le plus facile à trouver de la ville. Le mur de la façade vient d’être abattu. L’espace intérieur se dévoile aux yeux des passants, en un décor imprégné de mystère. Si tout est resté intact, chaque détail, qui auparavant donnait à ce lieu son intimité, est désormais recouvert d’une pellicule grise de suie et de cendre. Des flammèches fusent sur le cadre de la porte, mais dans l’ensemble l’incendie est sous contrôle. Il n’a pas gagné les maisons attenantes. Les distances minimales entre les bâtiments et la faiblesse du vent ont empêché le feu de s’étendre. Seule une lance d’incendie est encore utilisée. Sur le plancher de chêne gris, l’eau découpe un triangle noir aux limites tranchées. Les pompiers rangent leur matériel et enroulent sur leur bobine les tuyaux, comme des médecins qui enlèveraient des perfusions du corps d’un malade, sain en apparence mais dans un état désespéré.
 
De l’autre côté de la rue, en compagnie de lève-tôt, la jeune femme regarde l’incendie. Personne ne parle. Certains prennent des photos avec leur téléphone. Quand l’équipe de la télévision locale quitte les lieux, les badauds se dispersent. Seul un homme de grande taille, la quarantaine, vêtu d’une veste de laine noire, reste sur place. Après quelques minutes d’hésitation, il se rapproche de la jeune femme.
 « Vous aussi, vous êtes attirée par l’incendie ? »
Elle se retourne et reconnaît un condisciple de son cours d’art contemporain. Ils n’ont jamais parlé ensemble.
 « Je passais par hasard. Et vous ? »
 « Je me suis levé tôt pour réserver un billet de train sur internet. Quand j’ai vu par la fenêtre le tourbillon de fumée, j’ai tout arrêté pour venir ici. »
           « Rien de grave ? Je voulais parler des gens dans la maison… »
Il secoue la tête :
« Le bâtiment est inhabité depuis trente ans. Tout comme ses voisins. Ils sont loués par des commerçants. Ce pâté de maisons, construit dans les années 1880, est le plus ancien de la ville. C’est sans doute pour ça que l’installation électrique était vétuste. »
 « Qui pourrait croire que sa maison aurait un jour brûlé jusqu’à ce que cela se produise ? »
Ils éclatent de rire, puis le silence revient.
De l’autre côté de la rue s’arrête une camionnette. En descend un homme portant un chapeau de feutre noir, une veste d’employé de bureau et un pantalon à rayures dans le style pyjama. Deux enfants d’une ressemblance frappante, les siens probablement, sortent à la dérobée par la porte arrière. Ce propriétaire du restaurant doit habiter loin, à la périphérie. Alors qu’il reste bouche bée face à un tel spectacle, les jumeaux sautillent, si heureux de cette proximité avec les pompiers.
 
Le capitaine s’entretient avec le propriétaire. Avec mesure et professionalisme, il prodigue explications, conseils et paroles apaisantes. L’homme au pyjama l’écoute et de temps à autres essuie une larme avec sa paume. D’évidence la discussion est très émouvante. Mais vu de l’autre côté de la rue, c’est une pure scène de film muet, élaborée avec minutie pour faire éclater le contraste entre l’uniforme d’un homme chargé d’une lourde responsabilité et la tenue débraillée d’un clown tiré de son lit à un moment inattendu, afin que le spectateur puisse mesurer la dureté du monde. Pourtant cette image sonne si juste qu’elle revêt une dimension tragicomique. Aussi les badauds s’efforcent-t-ils de réprimer un fou rire.
 
La veste noire se retourne vers la femme qui court :
« Aujourd’hui et demain, êtes-vous libre ? »
Elle hoche la tête. Il tire de la poche de sa veste un guide touristique :
« L’exposition All de Maurizio Cattelan au Guggenheim a été inaugurée il y a deux mois. Elle rassemble les œuvres les plus saillantes de l’artiste Italien depuis les années 1980. Certaines comme La Nona Ora, Him hay Novecento ont suscité la controverse…» Interrompant soudain son énumération, il passe à une question plus réaliste : « Ce matin, j’ai découvert que l’exposition prendrait fin demain. Voulez-vous la voir ? »
« Cet artiste m’est inconnu » dit-elle avec sincérité.
« C’était aussi mon cas jusqu’à ce matin. Mais quelques photos de ses œuvres m’ont sidéré. »
Il feuillette le chapitre consacré aux musées dans le guide.
Deux pages jointives sur fond blanc présensent deux œuvres. Un chien esquimau aux poils argentés tirant un traîneau et un homme de taille moyenne au teint rose vêtu d’une tenue de sport. Saisis dans leur mouvement, ils surgissent avec une expression malicieuse dont le naturel et la joie sont si outrés qu’à la longue, ils suscitent une crainte sourde. Sans un cartel relatif au matériau utilisé et à la date de l’œuvre, le public aurait pu croire à des photos que l’artiste avait prises dans la rue. Quittant le guide et en proie à des frissons tout le long de sa colonne vertébrale, la femme relève les yeux :
« Je veux voir cette exposition. »
« Je réserverai deux billets de train pour cet après-midi. Arrivés vers minuit, nous aurons le temps de la voir avant sa clôture. »
« Vous n’avez donc pas encore réservé votre billet ? »
 « Je m’apprêtais à le faire quand l’incendie a éclaté. »
L’homme et la femme regardent de nouveau de l’autre côté de la rue.
En dix minutes, alors qu’ils étaient absorbés par l’exposition, les pompiers ont rangé leur matériel, effacé les derniers vestiges de l’incendie et dressé deux bâches devant la maison carbonisée, masquant la ruine de l’antique rue. Seule une étroite ouverture quadrangulaire laisse passer les soldats du feu. Peu à peu ils montent dans le camion, semblables les uns aux autres. Le véhicule avec sa grande échelle analogue à un squelette en plein air, descend en silence la colline.
 
L’homme et la femme scrutent cette ouverture sur la bâche où, entre ses jumeaux désormais immobiles, le propriétaire en pyjama marmonne une prière, les bras légèrement étendus, le chapeau noir basculé vers l’arrière.
 
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Le train s’arrête une demi-heure en gare de Philadelphie. Les participants à un congrès de cardiologie descendent. Personne d’autre ne monte. Dans le wagon ne reste qu’une dizaine de voyageurs qui continue vers New York. L’espace s’élargit car plusieurs rangées de sièges sont vides. Cependant, l’homme à la veste noire ne bouge pas, alors qu’il aurait pu trouver une place plus confortable. La femme reste donc à côté de lui. Elle referme le guide touristique, le front appuyé sur la vitre floue. Le mouvement du train pénètre dans sa peau. Un bruit irrégulier, effervescent, s’intercale dans les battements de son cœur. Elle semble ensorcelée par ce son qui évoque celui de la ville mais plus ample, plus répétitif. Comme beaucoup de gens instables et sans projets, elle aime prendre le train, surtout de nuit, alors que l’intérieur éclairé et chauffé contraste avec le dehors plongé dans la brume et le froid. Si son regard qui se porte au loin ne décèle rien, l’impression de voir quelque chose rend son esprit à la fois plus vif et plus calme.
 
Par exemple, elle songe à l’emploi qu’elle avait abandonné quelques mois auparavant. Qui aurait pu imaginer qu’elle quitterait une si belle place dans un service où les relations étaient apaisées ? Cette décission paraissait brutale mais n’était pas le fruit d’un caprice. Un lointain parent était décédé et dans son testament il l’avait faite héritière. Afin de ne pas compliquer les choses, elle avait accepté ses dernières volontés sans effusion. Mais elle avait estimé que le mieux était d’employer cette somme inattendue de manière inattendue : suivre une année de formation artistique. Sa recherche sur internet l’avait menée à une école qui, sans être la plus réputée, proposait des cours attractifs.
 
Son patron qui l’avait toujours considérée comme une employée loyale, lorsqu’il a signé son attestation professionnelle pour l’école d’art, lui a fait quelques observations sur les risques d’un tel choix. À quoi bon un bouleversement, a-t-il dit d’une voix forte, qui sera de toute façon décevant ? Incapable de répondre, elle s’est contentée de fixer la reproduction du tableau « U.S. Highway 1, Number 5 » affichée derrière le grand fauteuil. Une longue bande d'asphalte découpait le paysage, plongeant vers un horizon lointain. L'espace était à la fois plat et pénétrant. La beauté obscure suscite toujours l’étonnement. Les sous-entendus du patron lui étaient alors étrangers. Tout comme à cet instant, depuis le train, le regard perdu vers les villes de la côte Ouest, elle pense que certains êtres sont le résultat de leurs propres choix. Notre existence, quelles que soient sa direction et la manière dont elle est vécue, prendrait finalement la forme d’un étrange tableau, composé par nous-mêmes.
 
Les deux mains appuyées sur la tablette, l’homme à la veste noire est absorbé par sa lecture, passant du numérique au papier et inversement. À un moment, il regarde sa voisine.
« À quoi pensez-vous ? »
« À une image que je compare à ma propre vie. »
« Pour quoi faire ? » Ses yeux gris cendre expriment une certaine stupéfaction.
Elle lui raconte l’héritage inattendu. Le regard gris cendre s’adoucit, quelque chose comme de la compréhension. Elle interrompt son histoire, montrant le livre à la couverture rouge ornée d’un vieux grément :
« Et vous ? Que vous apportent vos lectures, comme ce livre par exemple ? »
« J’essais de m’imaginer voyageur en mer, c’est à peu près cela. En lisant, je m’incarne dans les personnages tout en restant moi-même, extérieur à l’histoire. Je voudrais ainsi m’assurer de la justesse des sentiments qu’ils éprouveraient au milieu de l’océan. »
 « La justesse ? »
« Il fut un temps où je voyageais continuellement en mer. De mon port d’attache à une autre ville, la nuit. Au début, je ne trouvais pas le sommeil. Mais par la suite je ne voulais plus du tout dormir. Lorsqu’on dérive, la réflexion prend une forme très différente. Les voyages répétés en mer nous convaincront que c’est elle, et non pas la terre ferme, le meilleur lieu pour l’existence. »
« Vous mettez en pratique notre cours sur les symboles et leurs contraires, n’est-ce pas ? Mer et terre ferme. Mobilité et immobilité. L’instabilité comme matrice des espoirs et la stabilité, vide de sensations. »
« C’est votre point de vue ! » Il hausse des épaules et sourit.
« Pourquoi avez-vous voyagé autant ? »
« Ma petite amie, qui allait devenir ma femme, habitait dans une ville, tandis que je travaillais chez un éditeur dans une autre. Nous ne savions pas où vivre. C’est pourquoi, à la fin de la semaine, je prenais le bac qui mettait près de trois heures à traverser le détroit et une durée équivalente pour le retour. »
« La traversée en bac est peu à peu devenue votre principal objectif. Plus important que de rencontrer votre amie. »
« Comment le savez-vous ? »
« Vous avez parlé de l’incarnation. Une séparation puis un abandon de soi. Vous deveniez un autre, pour un temps limité, au milieu du détroit. Ne souhaitons-nous pas tous cela ?
Sur la pièce de métal fixée au dos du siège de devant se réfléchissent les fossettes de l’homme qui se creusent, expression d’une soudaine frayeur, indescriptible.
Il replie la tablette. L’image déplorable disparaît.
Le charriot de restauration rapide passe dans les wagons, un service maintenu pour la forme car à minuit passé, la plupart des passagers se sont endormis. Mais cela réconforte le duo. Debout près du soufflet entre deux wagons, ils regardent à travers les fenêtres les éclairs qui zèbrent l’obscurité tout en buvant à petite gorgée un thé chaud. En eux émerge un sentiment analogue à celui qu’ils ont éprouvé ce matin face à l’incendie. La seule différence, s’il y en a une, est leur incarnation en ces petits jumeaux devant la bâche protectrice. Quant au clown, il a disparu avec sa solitude dans l’obscur passage.
 
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À la sortie du train, ils prennent deux escalators. La gare est bondée, ce qui semble incroyable à trois heures de matin passées. Les files de taxis jaunes se déplacent avec lenteur dans la rue. Sur le trottoir, les passants sont véloces. L’homme marche en premier et de temps à autre se retourne pour s’assurer de la proximité de la femme. Un panneau affiche une température de 35°F. Au pied de celui-ci, la porte d’un café est entrebaillée. Deux personnes viennent d’en sortir.
 
L’homme et la femme prennent leur place à une petite table. Règne une chaleur aussi pénétrante que celle d’un essaim d’abeilles. Le service est rapide. Ils boivent un café, avalent quelques petits pains, tout en gardant le silence qu’ils observent depuis leur descente du train. Après avoir chassé de la table les miettes, l’homme y pose son livre et poursuit son voyage de capitaine. La femme prend son guide touristique, relit la présentation de l’exposition de Cattelan, puis ouvre son ordinateur à la recherche d’informations sur son travail. Les techniques anciennes de conservation et de taxidermie sont systématiquement utilisées. Le défi réside dans la conservation de l’animal mort avec l’apparence de la vie. Quant aux figures humaines, elles sont moins difficiles à réaliser. Non seulement la cire est aisée à manier, mais le public accepte plus facilement la déformation ou une posture bizarre chez un être humain.
L’abat-jour rejette une lumière jaune sur la table. L’ombre des deux têtes s’imprime sur leurs livres. Les pages tournent. Ils achèvent chacun leur lecture lorsque le serveur leur annonce qu’il est six heures et que la fermeture est imminente. Le café s’est déjà vidé.
Il fait glacial. Ils descendent dans une bouche de métro, regardent le plan, achètent des billets sur une borne interactive et prennent la ligne qui mène à Central Park.
Le musée n’est pas loin. Lorsqu’ils sortent de la station, le ciel s’est éclairci. Mais il est trop tôt pour accéder à un lieu public hormi un parc.
Le froid y est plus supportable. Juste une légère brume. Un air oncteux pénètre leurs poumons. Assise sur un banc recouvert d’une eau qui forme comme un lacis, la femme met sa capuche sur ses yeux, imaginant pouvoir dormir un instant, mais en vain. À l’autre bout du banc, le menton appuyé sur ses deux mains, l’homme fixe l’espace vide devant lui. Ils ont visiblement envie de parler. Du temps. De leurs proches. Des débats au sein du cours d’art. De leurs centres d’intérêt. De tout et n’importe quoi. Mais poser une question sur la part obscure de l’autre leur semble insurmontable. Aussi gardent-ils le silence.
Le musée ouvre à dix heures. Ils font la queue, achètent des billets, mettent leurs vêtements au vestiaire, prennent des jumelles, traversent les barrières en tissu et en un instant ils sont plongés dans l’exposition All de Maurizio Cattelan. Pigeons. Âne. Cheval. Ecureuil. Lapin. Chien de traîneaux. Ces animaux superbes sont disposés en vrac ou entassés. Picasso en pyjama. Le Pape tenant un sceptre. Hitler. Pompiers. Jumeaux en costume de cérémonie. Femme nue. Des formes humaines de cire neuve, en taille réelle ou plus petite, dans des positions comiques. Frigidaire. Echiquier. Rickshaw. Revues. Lit. Livres. Des objets du quotidien suspendus droits, en biais ou à l’envers. Tous en apesanteur dans une ingénieuse structure de câbles d’acier, fixée au plafond du musée.
 
L’homme et la femme montent lentement l’allée en spirale. Leur point de vue ne cesse de changer. Comme l’indiquait le guide touristique, les sculptures de Cattelan sont d’un réalisme inquiétant. Parfois, ils s’arrêtent plus longtemps devant les personnages à l’expression étrange, malicieuse ou ironique. Avec leurs jumelles, ils scrutent les traits, les matériaux, les détails qui témoignent de la spécialité de l’artiste italien. À quelques pas, un groupe d’étudiants en art et leur professeur murmurent des commentaires sur la vacuité des apparences que véhiculent les êtres. Sur la conception de Cattelan. Sur l’invasion de l’image. Sur la possibilité de représenter le désordre de l’extérieur et les ruines de l’intérieur… La foule une fois passée, l’homme prend soudain conscience que sa partenaire a disparu.
 
Il règle ses jumelles. De l’autre côté de la gallerie, la femme se redresse pour contempler le personnage en tenue de sport qui promène son chien en apesanteur. Durant plusieurs minutes, l’homme fixe son visage où la sidération se mue en infinie tristesse. Un moment, il semble qu’elle oriente son regard désespéré vers lui. Puis de nouveau impassible, elle se mêle aux personnages de Cattelan.
 
Il s’oriente vers elle. Avec spontanéité, ils se prennent par la main, suivent l’allée en spirale jusqu’au dernier étage. Au lieu de baisser les yeux pour admirer les œuvres comme ces étudiants, ils obsersent la structure des câbles d’acier qui relie personnages, animaux et objets. Sans le moindre commentaire, ils se pressent la main.
 
L’après-midi, dans le train pour leur ville universitaire, la femme ouvre le catalogue et contemple de nouveau les œuvres qu’elle vient de voir au musée. L’homme se penche, montre la photo représentant une femme nue dont le buste émerge d’un panneau blanc laqué.
« Elle ressemble à s’y méprendre à ma femme lorsqu’elle était dans la fleur de l’âge. »
« Oh! »
« Elle est morte il y a deux ans. Pendant sa longue maladie, nous regrettions d’avoir fait ce choix insensé d’habiter de part et d’autre du détroit. Elle voulait qu’après sa mort j’utilise les fonds de son assurance-vie pour acheter un appartement et mettre fin à mon nomadisme. »
« C’est ce que vous avez fait ? »
« Non. J’ai affecté la majeure partie de cette somme à ce cours d’art et à mon séjour ici, comme vous le voyez. »
« Je sais pourquoi vous en avez fait ainsi. »
« Oui ! » Il referme le catalogue et se redresse. « Le chariot va bientôt passer. Vous prendrez un thé chaud ? »
« Volontiers. Puis je ferai un petit somme. »
« Vous avez raison. Je dormirai moi aussi. J’aurai le sentiment de voyager en mer. »
 
 
Nouvelle (tirée du recueil de Phan Hồn Nhiên, Hồi Phục, Editions Trẻ, HCMV, 2015) traduite du vietnamien par Doan Cam Thi.
Titre original : "Nhân Vật của Maurizio"
 
Née en 1972, Phan Hồn Nhiên est diplômée de l’Ecole supérieure du cinéma et du théâtre du Vietnam. Figure emblématique de la nouvelle génération d'auteurs, elle vit à Saigon. Son roman Cheval d’acier, traduit par Doan Cam Thi, est paru dans la collection « Littérature vietnamienne contemporaine », Riveneuve Editions, 2015.
 
Doan Cam Thi, responsable de la section des études vietnamiennes de l’Inalco. 
Responsable de la collection « Littérature vietnamienne contemporaine » de Riveneuve Editions (Paris)
Membre du comité de rédaction de la revue Siècle 21 (Paris)

A aussi traduit de Phan Hon Nhien : Cheval d'acier, roman, coll. « Littérature vietnamienne contemporaine », Riveneuve Editions, 2015.
https://www.riveneuve.com/catalogue/cheval-dacier-2/
 
 

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