Journée d’étude : Rire et pleurer dans la littérature arabe ancienne

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Rire et pleurer dans la littérature arabe ancienne

Rire et pleurer sont plus et moins que des actions : des symptômes, qui entretiennent un rapport essentiel à la parole qu’elles gênent, empêchent, accompagnent ou suppléent. Ces manifestations physiques des émotions que sont les rires et les pleurs reviennent peut-être à ce que Jean-Louis Chrétien dit des larmes en reprennant une distinction de Levinas : la manifestation d’un « surcroît du dire sur le dit »1.

Les émotions, qu’elles soient collectives ou individuelles, occupent une place centrale dans la production littéraire. Dans la littérature arabe ancienne, leur présence est attestée à travers une diversité de genres et s’inscrit dans des dispositifs esthétiques et discursifs complexes. Dans une civilisation arabo-musulmane ancienne où les consolations (al-taʿāzī) sont un genre littéraire à part entière, où l’art musical a pu être étroitement apparenté à celui des pleureuses (al-niyāḥa), où la tradition islamique tient à ce que le prophète Muḥammad ne se soit jamais esclaffé, et où les grandes anthologies de la culture littéraire savante intègrent souvent des chapitres consacrés aux plaisanteries, rire ou pleurer n’a rien d’un phénomène physique anodin, neutre et indéterminé. En tant que symboles de l’expression exacerbée des émotions, le rire et les pleurs peuvent être des effets spécialement recherchés, des états qu’il faut éviter (ou au contraire imiter), en somme des signes chargés de multiples valeurs et significations culturelles. Rire et pleurer ne sont donc pas seulement des affects exprimés ou décrits : ils sont médiatisés par des conventions littéraires, codifiés dans des topiques, et souvent investis d’une portée
morale, religieuse ou politique.

Ce sont ces différents aspects de l’expression exacerbée des émotions, symbolisée par le couple oppositionnel rire-pleurer (al-ḍaḥik wa-l-bukā’), ainsi que leurs différentes représentations et fonctions tels que nous les donne à voir ou à entendre la littérature arabe ancienne, que cette journée d’étude se propose d’interroger.

Sans exclure d’autres approches, les interventions pourront s’inscrire en particulier dans les axes suivants, qui orienteront les réflexions de la journée :

1 J.-L. Chrétien, Promesses furtives, Minuit, Paris, 2004, p. 68.

 

1. Histoire critique et poétique des genres :
Étude des formes et conventions littéraires (qaṣīda, taʿāzī, anthologies, satire, etc.) qui encadrent et codifient le rire et les pleurs, et analyse de leurs continuités et transformations dans la longue durée.
2. Anthropologie des textes et pratiques culturelles :
Analyse des usages sociaux et rituels des émotions (pleureuses, consolation, plaisanteries, sociabilités lettrées), et de leur inscription dans des dispositifs performatifs (récitation, musique, oralité, maǧālis).
3. Discours religieux, moraux et philosophiques
Étude des normes religieuses et des réflexions éthiques sur le rire et les pleurs, de leur valeur spirituelle ou réprouvée.
4. Esthétique, sémiotique et comparaisons culturelles
Réflexion sur le rire et les larmes comme signes, sur leurs fonctions symboliques et esthétiques, et sur les convergences ou contrastes avec d’autres traditions (grecque, syriaque, persane).

Modalités de participation :

Les propositions d’intervention sont à envoyer avant le 15 janvier 2026 aux adresses suivantes :

Les langues d’intervention possibles sont le français et l’arabe.