Journées d’étude de l’Observatoire du sensible : "Explorer les formes de la violence dans la société poutinienne à travers la littérature contemporaine"

Cette manifestation scientifique aura lieu les 3 et 4 décembre 2025 à Paris.
Dessin de loups noirs et d'une femme nue en apesenteur se cachant le visage
« Combien de vies brisées » — Série Conte lugubre ("Сколько загубленных жизней" Из серии "Мрачная сказка") © Anastasia Rydlevskaya‎
Contenu central

Comité d’organisation :

  • Sylvia Chassaing (CREE, Inalco)                                         Voir l'e-mail 
  • Claire Delaunay (CECILLE, Université de Lille)                   Voir l'e-mail 
  • Guilhem Pousson (EUR’ORBEM, Sorbonne Université)     Voir l'e-mail 
  • Domenico Scagliusi (EUR’ORBEM, Sorbonne Université) Voir l'e-mail 
  • Maria Turgieva (EUR’ORBEM, Sorbonne Université)         Voir l'e-mail 

Cette manifestation scientifique est organisée avec le soutien des laboratoires CECILLE (Université de Lille), CREE (Inalco) et Eur'Orbem (Paris Sorbonne).

L’invasion à grande échelle de l’Ukraine dans laquelle s’est engagée la Russie le 24 février 2022 a suscité de nouvelles réflexions dans des champs de recherche variés (histoire, sciences politiques, sociologie, études mémorielles). Cette agression amène à s’interroger sur les processus profonds et durables qui ont pu mener à son acceptation et à son soutien au sein d’une partie importante de la population russe, ainsi qu’à la généralisation des crimes de guerre (assassinats de civils, usage du viol comme arme de guerre, pillages). À l’heure où nos regards sont rivés sur les champs de bataille et les exactions en tant que telles, émerge une réflexion sur le caractère systémique d’une violence qui ne se manifeste pas uniquement sur le terrain militaire, mais également de façon plus diffuse dans le discours public comme dans la sphère privée, notamment à l’encontre des femmes et des minorités. 

Pour nourrir cette réflexion, nous avons lancé en 2023 un cycle de rencontres avec des autrices et auteurs contemporains invités à partager le regard qu’elles/ils portent sur la société russe dans leurs textes. Au détour de ces rencontres, nous avons souhaité explorer la littérature russophone contemporaine pour y « prendre le pouls » de cette société, en sentir l’atmosphère particulière dans l’ère poutinienne des années de guerre et celles qui ont précédé. La littérature peut en effet permettre de saisir certains phénomènes et certaines évolutions de la société, à travers l’évocation parfois directe d’une violence décriminalisée et banalisée, comme à travers des « petits riens » (poustiaki) révélateurs : détails du quotidien, bribes de conversations entendues, comportements observés.

Les journées d’études qui se dérouleront à Paris les 3-4 décembre 2025 avec le soutien du CECILLE (Université de Lille), du CREE (Inalco) et d’EUR’ORBEM (Sorbonne Université/CNRS) visent à dresser un premier bilan des deux premières années d’existence de ce projet au long cours. 

Ces journées seront l’occasion d’interroger la façon dont la violence se problématise dans la société russe à l’époque poutinienne. Si les années 1990 ont pu constituer une parenthèse de liberté, elles sont aussi apparues comme un moment où la violence, dont le « monopole » était jusqu’en 1991 détenu par l’Etat soviétique, s’est redistribuée dans la société russe et s’est exercée en dehors du socle idéologique qui lui donnait une forme de légitimité : le « bespredel » analysé par Borenstein (2008) se présente ainsi comme une violence privatisée, réappropriée par des acteurs individuels selon des logiques personnelles. Cette violence est celle qui traverse par exemple les films de Balabanov, où elle est exercée autant par des représentants de la loi que par des civils, sur des cibles qui semblent souvent déterminées en partie par le hasard et l’arbitraire individuel. L’arrivée au pouvoir de Poutine fait l’objet d’un récit médiatique et gouvernemental qui le présente comme l’homme ayant mis fin au bespredel en instaurant une « dictature de la loi » [diktatura zakona] et une « verticale du pouvoir » [vertikal’ vlasti]. Toutefois, s’il a certes « domestiqu[é] la violence mafieuse », c’est en « intégrant dans l’appareil d’État » ceux qui exerçaient cette violence dans les années 1990 (Favarel-Garrigues, 2008). Pour la Russie contemporaine, Anna Colin-Lebedev parle ainsi d’une « violence comme mode de gouvernement » (Colin-Lebedev, 2022), à l’échelle étatique, mais qui semble se propager jusque dans la cellule familiale, avec une tolérance légale pour certaines formes de violence interpersonnelle. Si l’impact de la redistribution de la violence sur les représentations culturelles des années 1990 a été étudié (Beumers, Lipovetsky, 2009), les évolutions (formelles, sociologiques) de la période poutinienne demeurent encore largement sous-explorées ; ces journées entendent contribuer à combler cette lacune.

Nous nous intéresserons aussi à la question de l’autodéfense et des violences réactionnelles (Dorlin, 2017) : la contre-violence que pourraient exercer les victimes en réaction aux violences étatiques, historiques, familiales est-elle pensée dans cette littérature et sous quelle forme ? Y a-t-il dans cette littérature une violence qui ne serait pas au service du pouvoir politique ou de son idéologie, même si elle est représentée pour être dénoncée ? Dans la littérature dite d’opposition, le titre du livre de Daria Serenko portant sur son exil politique, Je souhaite des cendres à ma maison, a ainsi fait couler beaucoup d’encre : la violence à l’encontre de la Russie que certains y ont vu, sans nécessairement prêter attention au contenu véritable de l’ouvrage, a pu paraître inadmissible, y compris dans certains cercles anti-guerre. Dans quelle mesure les représentations de la violence dans la littérature russe contemporaine font-elles une place à l’autodéfense ? De façon plus théorique, ces débats sur la légitimité de la contre-violence invitent à une réflexion sur l’ontologie de la violence : relève-t-elle d’une même essence mauvaise – qui, selon les préceptes tolstoïens, devrait toujours être tenue pour inacceptable – ou faut-il penser une pluralité de violences, aux natures distinctes, appelant des critiques différenciées, voire susceptibles, dans certains cas, d’échapper à la critique ?

Ces journées d’étude sont conçues pour élargir et approfondir cette réflexion collective en invitant d’autres chercheuses et chercheurs francophones à y apporter leur contribution. Nous aurons également l’occasion de recueillir la parole d’autrices et auteurs réunis autour de deux tables rondes, consacrées respectivement aux pratiques de l’autofiction et de la littérature documentaire.  Les rencontres organisées pendant les deux années passées dans le cadre de notre séminaire ont non seulement offert un espace d’expression aux écrivaines et écrivains russophones, mais ont aussi permis de les faire entrer en dialogue avec les traductrices et traducteurs de leurs textes en français et avec leur lectorat francophone. Avec ces journées d’étude, nous souhaitons préserver cet espace d’échange privilégié entre ces deux cultures. À cette fin, si les interventions des écrivaines et écrivains auront lieu en russe, avec traduction consécutive en français, ce dernier sera retenu comme langue unique des communications scientifiques.

Les propositions de communication (environ 1500 signes), accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique, sont à envoyer aux organisateurs avant le 3 octobre 2025

Elles pourront s’inscrire dans l’un des axes suivants (liste non-exhaustive) :

Axe 1 : violences sexistes, sexuelles et domestiques
  • éthique et formes de la représentation des VSS
  • choix génériques (fiction / non-fiction)
  • littérature et restauration (réussie ou non) de l’agentivité
Axe 2 : violences contre les minorités sexuelles
  • interdictions, censure et autocensure
  • spécificités de l’écriture queer en Russie
  • résistances littéraires à la violence d’Etat contre la communauté LGBT
Axe 3 : violences nationales, coloniales et post-coloniales  
  • les reconfigurations du discours colonial dans la société russe contemporaine
  • l’exil comme espace critique des constructions identitaires
  • la langue comme lieu d’apparition des violences
Axe 4 : Mémoire des violences entre passé et présent  
  • l’inscription des violences contemporaines dans une perspective historique
  • la redéfinition des cadres de la mémoire collective à l’aune de l’actualité
  • la mise en récit du passé comme outil politique

 

Présentation détaillée des axes 

  • Axe 1. Violences sexistes, sexuelles et domestiques

“Бьёт – значит любит” ?

Les dix dernières années ont vu d’une part l’émergence d’une conscience féministe, à travers le mouvement d’abord ukrainien puis russe #jenaipaspeurdedire (#янебоюсьсказать), en 2016, ou encore la mobilisation en soutien aux sœurs Khatchatourian en 2018, et d’autre part une dégradation du climat politique, de plus en plus hostile au féminisme et peu préoccupé des droits des femmes : les violences domestiques sont ainsi dépénalisées en 2017 et le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie accélère la représentation du féminisme comme une idéologie occidentale et néfaste dans le discours public et dans les textes de loi : un projet de loi visant à reconnaître le féminisme comme une idéologie extrémiste est ainsi déposé à la Douma en 2023. 

La question des violences sexistes et sexuelles, et en particulier domestiques, était centrale dans la conception du séminaire et était l’objet de plusieurs textes discutés pendant les deux années écoulées : Vera Bogdanova les place au cœur de son roman Saison toxique pour les fœtus, la pièce de Svetlana Petriïtchouk Finist, clair faucon adopte une perspective féministe et a fait l’objet du premier procès politique portant spécifiquement sur un texte littéraire depuis la période soviétique, procès qui s’est conclu par une condamnation de l’autrice et de la metteuse en scène pour « apologie du terrorisme » en 2023. Daria Serenko, enfin, a fait, comme d’autres, le parallèle entre le discours du gouvernement russe sur l’Ukraine et les discours de justifications de la violence domestique. La violence militaire russe en Ukraine est présentée alors comme fonctionnant selon les mêmes mécanismes que les violences exercées au sein de la famille : mise en accusation et humiliation de la victime, non-respect de son autonomie, rhétorique de la possession et de la domination etc. 

Dès lors, la représentation des violences liées au sexe dans la littérature russe contemporaine situe souvent d’emblée le texte et son autrice dans une opposition plus ou moins affirmée au gouvernement et aux discours dominants en Russie. Le récit des violences sexuelles ou des violences faites au corps féminin peut être un outil qui favorise l’émergence de communautés féminines (Perheentupa, 2022) et un regain d’agentivité (Tarasyuk, 2025). Les réseaux d’écriture féminins, comme l’initiative « Write like a grrrl », fonctionnent souvent comme des « safe spaces » où ces violences peuvent être dites sous couvert de littérature (Chassaing, 2025). Muravieva (2025) a montré spécifiquement comment l’autofiction, forme privilégiée de ces récits, pouvait être un espace de résistance et de négociation éthique. Qu’en est-il d’autres formes littéraires et des autres institutions où cette violence est représentée ? L’héroïne de ces récits de violence est-elle nécessairement uniquement une héroïne vulnérable (Muravieva, 2025) ? Le réinvestissement de l’agentivité passe-t-il uniquement par le récit ou trouve-t-on dans ces textes d’autres formes de passage à l’action ?

 

  • Axe 2.  Violences contre les minorités sexuelles

            “Каждый раз, садясь за письмо, я совершаю преступление.” 

            Оксана Васякина

La répression qui vise les minorités sexuelles s’est également intensifiée depuis les années 2010. Si l’homosexualité est bien décriminalisée en 1993 à la chute de l’URSS, le gouvernement russe de Vladimir Poutine a progressivement rendu extrêmement difficile la représentation publique de sexualités non-hétérosexuelles, avec la loi sur l’interdiction de la propagande sur les relations sexuelles « non-traditionnelles » en 2013, la réforme de la Constitution en 2020 qui fait de l’Etat le garant de « l’institution du mariage en tant qu’union entre un homme et une femme » et enfin l’interdiction par la Cour suprême russe en 2023 du « mouvement LGBT » pour « terrorisme ». Les violences quotidiennes et la menace qui pèsent sur les personnes homosexuelles ont été montrées entre autres par Masha Gessen (2017). En 2022, la campagne menée par Prilepine et Mikhalkov contre le roman d’Elena Silvanova et Katerina Malisova, Un été en foulard rouge, roman qui évoque de façon très chaste l’amour naissant entre deux jeunes garçons dans un camp de pionniers soviétiques, a abouti à la mise sous tutelle de la maison d’édition Popcorn et a été ainsi une mesure visible et dissuasive de mise au pas du monde éditorial russe. Il devient alors très difficile de publier des textes abordant la question de l’homosexualité, et d’autant plus des textes qui évoqueraient et dénonceraient la violence dont sont victimes les personnes non hétérosexuelles en Russie. 

Se pose alors le problème d’une véritable criminalisation de l’écriture, évoquée par Oksana Vasyakina dans Blessure : « Chaque fois que je m’assois pour écrire, je commets un crime ». Peut-on envisager l’écriture comme une forme de résistance ? On pourra s’interroger sur la présence,dans cette production littéraire, de questionnements similaires à ceux qui sont liés à « l’écriture queer » en occident. 

 

  • Axe 3 : Violences nationales, coloniales et post-coloniales

            “Дружба народов ” ? 

En Russie, les violences s’articulent autour de constructions identitaires – nationales, raciales ou ethniques – qui servent de fondement à des exactions diverses, tant à l’égard de minorités internes qu’à l’encontre de groupes nationaux externes à la Fédération de Russie qualifiés d’inférieurs. Si la théorie postcoloniale classique a été mobilisée pour analyser ces dynamiques, sa pertinence dans le contexte russe demeure débattue (Moore 2001 ; Hladík 2011 ; Koplatadze 2019). Des approches plus récentes, notamment celles de Tlostanova (2017 ; 2018), plaident pour une décolonisation des savoirs produits sur et dans l’espace post-soviétique, en invitant à dépasser les catégories analytiques héritées de la pensée occidentale. Une question centrale consiste à déterminer avec quels outils théoriques et esthétiques la littérature interroge ces constructions.

Nous proposons d’examiner comment la littérature contemporaine saisit les reconfigurations de l’architecture ethno-raciale héritée de l’époque soviétique (Kappeler 1992 ; Schimmelpenninck van der Oye 2010 ; de Meaux 2010 ; Etkind 2011 ; Tolz 2011 ; Etkind, Uffelman, Kukulin 2012) à l’époque poutinienne. La question du racisme systémique – notamment à l’égard des populations originaires du Caucase et d’Asie centrale – est de plus en plus abordée par des autrices et auteurs russes, qu’elles/ils soient issus du groupe majoritaire (E. Tchijova) ou des marges impériales, depuis des positions socio-géographiques elles-mêmes façonnées par le colonialisme russe (T. Frolova, D. Apakhontchitch, D. Rasuleva, E. Dzhabbarova). Il n’est pas anodin que ces voix critiques soient souvent portées par des femmes, invitant à envisager les violences identitaires sous un prisme intersectionnel.

Par ailleurs, l’expérience de l’exil, que connaît une part significative des écrivain·e·s de cette génération, s’avère déterminante dans l’évolution des questionnements ethno-nationaux. La position géographique de l’écrivain·e est explicitement prise en compte comme un déterminant majeur de l’activité critique, comme en témoignent Alexey Voïnov ou Daria Apakhontchitch. Aussi prêterons-nous attention aux propositions montrant comment ces écritures d’exil et diasporiques reconfigurent les enjeux ethno-nationaux.

Enfin, la littérature constitue un observatoire privilégié de ces questions dans la mesure où elles sont intimement liées à des enjeux linguistiques. En tant que pratique de langue, l’écriture est l’un des lieux où se négocie l’identité culturelle ; elle est aussi le terrain où s’opèrent des gestes critiques vis-à-vis d’un certain état de la langue russe, travaillée par des affects antagonistes. Dans le prolongement des recherches rassemblées par Bella Delacroix Ostromooukhova et Sarah Gruszka (à paraître), nous valoriserons les communications qui, à partir des textes littéraires, mettront en évidence les dialectiques langue/violence à l’œuvre au sein de ce corpus.

 

  • Axe 4 :  Mémoire des violences entre passé et présent

“они говорят, украли нашу родину. да нет же, вот она, вся как встарь.”

Мария Ныркова

Nous souhaitons également engager une réflexion sur la manière dont la littérature a interrogé la continuité historique des dynamiques violentes qui traversent la société russe contemporaine et, plus généralement, l’espace post-soviétique. L’élaboration d’un récit autour du passé a été l’une des préoccupations principales de la littérature russophone des vingt dernières années, alimentée par des tensions croissantes entre la Russie et les autres pays issus de la dislocation de l’URSS (Koposov 2018), ainsi que par le retour du régime à des pratiques répressives à l’égard de ses opposants. Le sentiment d’un court-circuit de l’histoire, particulièrement perceptible dans les discours d’écrivaines et d’écrivains à l’aune de la guerre en Ukraine, a nourri, tout au long de la période poutinienne, une production littéraire variée : récits fantastiques (Vladimir Sorokine, Pavel Pepperstein et Sergueï Anoufriev), romans historiques (Boris Akounine, Alexeï Ivanov) et, plus récemment, l’autofiction (Maria Stepanova, Maria Nyrkova). 

Les nombreux travaux consacrés à ce corpus ont considéré la littérature comme un lieu crucial pour la formation d’une mémoire des traumas du XXe siècle en l’absence d’autres formes de reconnaissances publiques (Khapaeva 2007, Etkind 2013), et ont examiné les différents enjeux politiques et identitaires que l’écriture du passé a assumé au gré des transformations de la Russie post-soviétique (Marsh 2007, Noordenbos 2016, Jones 2024). 

Dans la continuité de ces études, on peut se demander dans quelle mesure les violences des trois dernières décennies ont pu conduire la littérature à redéfinir les cadres de la mémoire collective et à proposer de nouvelles façons de lire l’histoire. En quoi, par exemple, l’expérience des conflits récents déclenchés par la Russie à l’égard de ses voisins a-t-elle favorisé l’émergence d’un questionnement sur la dimension coloniale des violences exercées par l’État dans le passé ? Des interrogations que l’on peut retrouver, entre autres, sous la plume de Guzel’ Ïakhina, Ilia Mamaev-Naïlz ou Sergueï Lebedev. 

Afin de nourrir cette réflexion, nous accueillerons avec un intérêt particulier des communications qui, dans le sillage de l’étude de Marja Sorvari sur l’écriture post-mémorielle des femmes écrivaines (2022), présenteront des œuvres qui abordent le passé depuis une position de marginalité. L’enjeu est non seulement d’analyser l’influence du présent sur la lecture du passé, mais aussi de prendre en compte la manière dont celui-ci peut être mobilisé pour rendre visibles, voire éclairer, les fragilités et les injustices qui caractérisent l’époque contemporaine. 

Enfin, dans le prolongement de cette question, nous aimerions ouvrir une discussion sur la portée politique de l’intérêt que les écrivain·e·s manifestent à l’égard du passé. Si certains chercheurs mettent en doute son caractère subversif et y voient même un signe de la dépolitisation du champ littéraire (Iampolski 2018), l’écriture du passé peut être néanmoins envisagée comme un outil de contestation, dans un contexte où l’histoire est mobilisée pour légitimer de nouvelles exactions et où toute lecture critique des faits historiques peut donner lieu à des poursuites judiciaires. 

Bibliographie 

  • Beumers, Birgit, Lipovetsky, Mark, Performing Violence: Literary and Theatrical Experiments of New Russian Drama, Intellect Books, 2009.
  • Borenstein, Eliot, Overkill: Sex and Violence in Contemporary Russian Popular Culture, Culture and Society after Socialism. Ithaca: Cornell University Press, 2008.
  • Chassaing, Sylvia, « Du matrimoine à la sororité : Articuler traduction, édition et enseignement de l’écriture créative dans la Russie des années 2010 et 2020 », ILCEA, 60, 2025.
  • Colin-Lebedev, Anna, Jamais frères ? Ukraine et Russie : une tragédie post-soviétique, Paris, Seuil, 2022.
  • Delacroix Ostromooukhova, Bella, Gruszka, Sarah, Lerner, Julia, Zaytseva, Anna (éds.), Langues et discours face à la guerre en Ukraine. Volume I : Russie et diaspora russophone, Lille, Presses universitaires du Septentrion, à paraître.
  • de Meaux, Lorraine, La Russie et la tentation de l’Orient. Paris : Fayard, 2010.
  • Dorlin, Elsa, Se défendre : une philosophie de la violence, Paris, La Découverte, 2017.
  • Etkind, Alexander, Internal Colonization. Russia’s Imperial Experience, Cambridge : Polity Press, 2011.
  • Etkind, Alexander, Warped Mourning: Stories of the Undead in the Land of the Unburied, Stanford, Stanford University Press, 2013.
  • Etkind, Alexander, Uffelman, Dirk, Kukulin, Il’ia (eds.), Tam, vnutri. Praktiki vnutrennei kolonizatsii v kul’turnoi istorii Rossii, Moskva: NLO, 2012.
  • Favarel-Garrigues, Gilles, « Violence mafieuse et pouvoir politique en Russie », inBriquet, Jean-Louis et Favarel-Garrigues, Gilles, Milieux criminels et pouvoirs politiques : Les ressorts illicites de l'Etat, Paris, Karthala, 2008, p.187-218.
  • Gessen, Masha, The Future Is History: how totalitarism reclaimed Russia, New York, Riverhead Books, 2017.
  • Hladík, Radim, « A Theory’s Travelogue: Post-Colonial Theory in Post-Socialist Space », Teorie vědy / Theory of Science, 33(4), pp. 561‑590, 2011.
  • Iampolski, Mikhaïl, Park Kultury, Moscou, Novoe Izdatelstvo, 2018.
  • Jones, Polly, Gulag Fiction: Labour Camp Literature From Stalin to Putin, London-New York-New Delhi-Sidney Bloomsbury UK, 2024.
  • Kappeler, Andreas,Russland als Vielvölkerreich: Entstehung-Geschichte-Zerfall. Munich: Verlag C. H. Beck, 1992.
  • Khapaeva, Dina, Gotitcheskoe obchestvo: morfologi kochmara, Moscou, Novoe literaturnoe obozrenie, 2007. 
  • Koplatadze, Tamar, « Theorising Russian postcolonial studies », Postcolonial Studies, vol. 22, 4, pp. 469-489, 2019.
  • Koposov, Nikolaï, Memory Laws, Memory Wars: The Politics of the Past in Europe and Russia, Cambridge, Cambridge University Press, 2018. 
  • Marsh, Rosalind, Literature, history and identity in post-Soviet Russia, 1991-2006, Oxford, New York, Peter Lang, 2007.
  • Moore, David Chioni, « Is the Post- in Postcolonial the Post- in Post-Soviet? Toward a Global Postcolonial Critique », PMLA, vol. 116, no. 1, pp. 111–28, 2001.
  • Muraveva, Larissa, « Autofiction on Violence. The Ethics of Storytelling and the Symbolic Role of Language », DIEGESIS, vol. 14, n°1, 2025.
  • Noordenbos, Boris, Post-Soviet Literature and the Search for a Russian Identity, New York, Palgrave Macmillan, 2016. 
  • Perheentupa, Inna, Feminist Politics in Neoconservative Russia. An Ethnography of Resistance and Resources, Bristol, Bristol University Press, 2022.
  • Schimmelpenninck van der Oye, David, Russian Orientalism. Asia in the Russian Mind from Peter the Great to the Emigration. New Haven – Londres : Yale University Press, 2010.
  • Sorvari, Marja, Displacement and (Post)Memory in Post-Soviet Women’s Writing, Cham, Palgrave Macmillan,  2022.
  • Tarasiuk, Kataryna, Du corps perdu au corps retrouvé: les représentations du corps féminin dans la prose féminine contemporaine russe, Thèse de doctorat, dir. Isabelle Després, Université de Grenoble, 2025.
  • Tlostanova, Madina, Postcolonialism and Postsocialism in Fiction and Art. Resistance and Re-existence, Palgrave Macmillan, 2017 
  • Tlostanova, Madina, What does it mean to be Post-Soviet ? : Decolonial art from the ruins of the Soviet empire, Duke University Press, 2018.
  • Tolz, Vera, Russia’s Own Orient : The Politics of Identity and Oriental Studies in the Late Imperial and Early Soviet Periods, Oxford, Oxford University Press, 2011.