Portraits de non-appartenance : photographie, nationalité, mobilité

En 1896, le sultan ottoman a publié un décret autorisant les Arméniens, et uniquement les Arméniens, à émigrer à condition qu'ils s'expatrient et ne reviennent jamais dans leur pays d'origine. Une étape clé de ce processus consistait à poser pour une photographie. L'État ottoman archivait les photographies ; les migrants arméniens recevaient des passeports et partaient pour les ports européens, la plupart d'entre eux à destination des États-Unis. Entre 1896 et 1908, plus de quatre mille Arméniens ont posé pour ces portraits d'exilés. Près de deux décennies avant que les photos ne soient jointes aux passeports partout dans le monde, les portraits d'exilés arméniens ottomans constituent l'un des premiers exemples d'utilisation de la photographie de surveillance à des fins de contrôle des frontières.
Zeynep Devrim Gürsel est professeure agrégée d'anthropologie à l'université Rutgers. Elle est l'auteure de Image Brokers: Visualizing World News in the Age of Digital Circulation (2016) et la réalisatrice de Coffee Futures (2009), disponible en français sous le titre Marc d'Avenir, l'un des premiers exemples d'utilisation de la photographie de surveillance pour le contrôle des frontières.